[CRITIQUE] : Nymphomaniac - Volume 2
Réalisateur : Lars Von Trier
Acteurs : Charlotte Gainsbourg, Stacy Martin, Stellan Skaarsgard, Christian Slater, Uma Thurman, Shia LaBeouf,...
Distributeur : Les Films du Losange
Budget : 9 400 000 $
Genre : Érotique, Drame.
Nationalité : Danois, Belge, Français, Allemand.
Durée : 2h04min.
Synopsis :
La folle et poétique histoire du parcours érotique d'une femme, de sa naissance jusqu'à l'âge de 50 ans, racontée par le personnage principal, Joe, qui s'est auto-diagnostiquée nymphomane. Par une froide soirée d’hiver, le vieux et charmant célibataire Seligman découvre Joe dans une ruelle, rouée de coups. Après l'avoir ramenée chez lui, il soigne ses blessures et l’interroge sur sa vie. Seligman écoute intensément Joe lui raconter en huit chapitres successifs le récit de sa vie aux multiples ramifications et facettes, riche en associations et en incidents de parcours.
Critique :
CRITIQUE DE NYMPHOMANIAC - VOLUME 1 ICI.
Dire que l'on est sortie frustrée de la première partie de Nymphomaniac est un doux euphémisme.
Si il s'avérait être beau sur certains points (la mise en scène, sa tristesse de ton et ses excellents dialogues), en revanche dans sa généralité, il souffrait clairement d'un manque de substance conséquent, ajouté à une absence globale de cul, de puissance et surtout d’insolence, marque de fabrique ultime de son metteur en scène Lars Von Trier.
Et c'était bien dommage parce que des stars qui font du cul, ça attire toujours l’œil même si le bonhomme nous assurait que les fameuses parties intimes de ses interprètes, seraient moulées informatiquement sur celles de vrais stars pornos...
Sauf que vous le savez comme nous, la censure est passée par là, et la bande a sensiblement été charcutée de toute sa chair (on passe à deux opus de quatre heures au lieu d'un maousse de 5h30), et ce, même si le tout reste bougrement interdit aux moins de dix-huit ans dans l'hexagone, parce que le cul, la bite, la foufoune et les nichons c'est encore trop hot pour être totalement assumé dans nos salles obscures.
Par contre, on ne se prive pas de sodomiser les spectateurs avec des prix exorbitants et des 3D de plus en plus inutiles, mais là encore, c'est une autre histoire (de fesses, et pas d'amour également).
Mais qui dit censure et amputation - dans une œuvre coupée en deux de surcroit -, dit obligatoirement une œuvre incomplète, et forcément, qu'on le veuille ou non, c'est un Nymphomaniac infirme face auquel on a à faire en salles, qui comporte donc des qualités et des défauts qui seront sensiblement absents de la version director's cut.
La présente critique ne se penchera donc que sur ce second volume, histoire de faire grimper à la hausse ou non, l'appréciation complète de l’œuvre.
Et même si il souffre bien plus de la séparation en diptyque que le premier volume, force est d'admettre que Nymphomaniac - Volume 2 semble un poil plus abouti, tant il est sensiblement plus extrême et sordide.
Comme le premier opus donc, le cul est assez gommé du montage - bon y'a un petit peu de sadomasochisme hein, c'est déjà ça - mais on entre plus en profondeur dans les révélations faites par la décomplexée Joe, nymphomane de son état donc, révélations sur sa vie qu'elle conte au vieux célibataire qui l'a recueillit alors qu'elle gisait inconsciente, Seligman.
Et si dans les cinq premiers chapitres, Joe semblait chercher d'une certaine manière, à expier ses " pêchés " comme elle les appelle, dans ces trois derniers, elle semble plus enclin a se confesser comme un être inapte à l'amour des causes de ses pulsions.
Inapte à aimer mais surtout, à être aimer.
Du coup, son statut de pure objet sexuel aussi malsain soit-il, est ici clairement renforcée, la belle faisant pourtant tout pour se battre contre ce qu'elle est mais également, contre ce que la société voit en elle, avant de littéralement se révolter contre son état.
Ou Von Trier impose définitivement Joe comme une martyre des temps moderne, une prisonnière de la chair qui lutte contre ce qu'elle est tout en assumant pleinement son corps et son esprit.
Floutant lourdement la frontière entre religion et sexe - à l'instar de son dérangeant Antichrist -, le cinéaste use surtout de son héroïne comme d'une intermédiaire pour affirmer pleinement le cinéaste qu'il est, et surtout qui s'assume.
Comme Joe, il doit faire face aux regards critiques aussi bien des spectateurs que du milieu du septième art, sur sa personne et son cinéma.
Une analyse aussi improbable que foutrement fascinante, qui ajoute évidemment une plu-valu non négligeable à une œuvre convenable - plus que le Volume 1 -, mais amputée, qui aurait mérité de ne pas être justement, autant coupée pour mieux se développer et s'exprimer.
Mais l'honneur reste sauf, Nymphomaniac - Volume 2 se termine sur une note d'espoir, Joe assurant que raconter son histoire l'avait enfin apaisée, et de facto, on se dit que même si il n'en a pas réellement eu - tout du moins pas encore - le dernier mot, le Lars a fait ce qu'il voulait de son film, et qu'il est comme son héroïne, en paix avec lui-même.
Pas la claque attendue donc, mais un bon film emplit de sexe et de noirceur, qui pourrait clairement frôler l'exceptionnel si la version longue de 5h30 vaut tout le bien que l'on peut penser d'elle après cette version courte et castrée de quatre plombes.
Pourvu que tu ne nous fasses pas encore attendre de long mois pour rien Lars...
Jonathan Chevrier