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[CRITIQUE] : Hippocrate


Réalisateur : Thomas Lilti
Acteurs : Vincent Lacoste, Reda Kateb, Jacques Gamblin, Marianne Denicourt,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Comédie dramatique.
Nationalité : Français.
Durée : 1h42min.

Synopsis :
Benjamin va devenir un grand médecin, il en est certain. Mais pour son premier stage d’interne dans le service de son père, rien ne se passe comme prévu. La pratique se révèle plus rude que la théorie. La responsabilité est écrasante, son père est aux abonnés absents et son co-interne, Abdel, est un médecin étranger plus expérimenté que lui. Benjamin va se confronter brutalement à ses limites, à ses peurs, celles de ses patients, des familles, des médecins, et du personnel. Son initiation commence.


Critique :


Force est d'admettre qu'il y a très rarement en salles chaque année, des péloches venant nourrir le genre de la comédie hospitalière.

Pire, c'est encore moins commun d'en trouver des remarquables et inoubliables.
Du coup depuis plus d'une décennie, tous les cinéphiles reportent leur culte sur le petit écran, avec des séries cultes aussi bien française - la sympathique et potache H - qu'américaine - la précieuse et regretté Scrubs.

Pourtant, bien conscient du terrain hautement casse-gueule que représente ce sous-genre de la comédie, deux péloches made in France vont tenter de redorer le blason du genre sur grand écran en cette rentrée 2014.
D'un côté Thomas Lilti avec son Hippocrate - présenté à Cannes et au Champs-Élysées Festival -, qui débarque dans les salles obscures cette semaine, et de l'autre le grand Jean Becker avec son attendu Bon Rétablissement, dans lequel on espère y trouver un Gérard Lanvin des grands jours.


Mais revenons-en à nos moutons et à cet Hippocrate donc, second long métrage de Thomas Lilti après Les Yeux Bandés, qui s'inspire librement ici de son vécu d'interne pour étoffer et crédibiliser la matière de sa péloche pour laquelle il a convoqué un casting on ne peut plus hétéroclite : l'agaçant - c'est selon les avis - Vincent Lacoste, les géniaux Reda Kateb et Jacques Gamblin, mais également Marianne Denicourt.

Hippocrate ou l'histoire de Benjamin, un jeune interne fils à papa assez fier qui sait qu'il va devenir un grand médecin.
Mieux, il en est même intimement convaincu.
Mais le hic c'est que pour son premier stage d’interne dans le service de son père, rien ne se passe comme prévu.
Et inutile de dire que la pratique se révèle au final bien plus rude que la théorie.

La responsabilité de la décision médicale est écrasante, son père est aux abonnés absents et son co-interne, Abdel, est un médecin étranger plus expérimenté que lui.
Benjamin va donc très vite se confronter brutalement à ses limites, à ses peurs, celles de ses patients, des familles, des médecins, et du personnel, et c'est bien par là que son initiation à la dur dans le métier, commence...

Même si il ne quitte pas la veine social déjà présente dans son scénario de Télé Gaucho, difficile de ne pas avouer que Lilti s'éloigne clairement avec ce second essai, de son Les Yeux Bandés, inégal et très noir.
Ici avec Hippocrate, le bonhomme distille un ton volontairement léger, doux-amer pour traiter du thème pourtant hautement délicat, de la responsabilité médicale.


A l'instar de Maïwenn pour son puissant Polisse (qui s'était immiscé dans le quotidien de la police des mineurs), en prenant le bon parti de faire vivre à son spectateur une immersion en plein cœur d'un service hospitalier public et du milieu hautement impitoyable du monde des internes qu'il connait si bien pour en avoir été l'un des nombreux acteurs par le passé, le cinéaste vise constamment juste et avec un réalisme saisissant - pas d'effets foireux et documentaire à la Zone Interdite ici -, pour faire prendre conscience aussi bien à son personnage principal nonchalant qu'à ceux qui le regarde, de la réalité de l'envers du décors ainsi que du poids imposant de la blouse.

Mais ce, sans aucune lourdeur, si bien que son film ressemble souvent à ces feel good movie de fin d'été spontanés et vivants, aux bandes originales pop et aux leçons de vies improbables mais infiniment nécessaire.

Flirtant constamment entre moments désopilants - surtout dans le premier tiers, franchement drôle - et vrais instants d'émotions - la mort inévitable qui hante inlassablement les lieux -, via un sens du dialogue remarquable avant de peu à peu, devenir un brin plus grave et amer (en abordant notamment le problème de l’accompagnement en fin de vie d’un patient en souffrance, voir même de l'erreur médical), ce récit initiatique sous fond de comédie social - et même politique et militante, puisqu'il véhicule de vrais débats de société - prouve que le cinéma français populaire peut très bien rimer avec qualité scénaristique et performance d'acteurs.

Dans des personnages aussi profonds que (très) bien croqués, l'habituellement agaçant - mais pas ici - Vincent Lacoste et le génial caméléon Reda Kateb font des étincelles dans la peau de deux antagonistes aussi différents que complémentaires.
Le premier, jeune loup d'interne croyant devenir le nouveau Superman des urgences, aussi nonchalant qu'idéaliste, se heurte donc violemment à la dureté, la rigidité et la solitude du second, jeune médecin étranger condamné à un rôle d'interne bouche-trou dans un hôpital public.


Deux manières pour le metteur en scène de traduire la désillusion d'un corps médical au statut injustement mal défini dans l'échelle de la hiérarchie hospitalière.
A leur côté, l'excellent Jacques Gamblin est d'ailleurs une nouvelle fois impeccable en papounet couvrant les nombreuses bourdes de son rejeton avec qui il entretient une relation complexe et détériorée.

Alors certes, on pourra très certainement reprocher au film son final un brin soap, au happy-end tout droit sortie d'un épisode de séries américaines, ou encore sa réalisation très (trop ?) lisse et un peu (trop ?) en retrait, voir même sa décence du collectif hospitalier et sa monté au créneau puissante mais mal maitrisée contre l'acharnement thérapeutique, mais pourtant, rien ne vient pleinement entacher la vision de cet Hippocrate, hommage attachant, plein d'émotion et de bonne humeur à ses hommes et femmes courageux, devant constamment faire face à la douloureuse misère humaine.

Une belle réussite improbable, modeste, généreuse et sincère, qui mériterait bien pour le coup un petit soutien populaire en salles tant il est très rare - on se répète -, de trouver de bonnes comédies hospitalières à se foutre sous la dent depuis belle lurette.

Vous savez donc quoi aller voir en salles ces prochains jours...


Jonathan Chevrier

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