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[CRITIQUE] : Here - Les plus belles années de notre vie


Réalisateur : Robert Zemeckis
Acteurs : Tom Hanks, Robin Wright, Paul Bettany, Kelly Reilly, Michelle Dockery,...
Distributeur : SND
Budget : -
Genre : Drame, Fantastique.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h44min.  

Synopsis :
Toute l’équipe de Forrest Gump revient au cinéma, et vous transporte dans un voyage unique à travers le temps. L’histoire de familles dont les peines, les joies et les moments de doutes se font écho à travers les générations.



Critique :



Qu'il donne un peu, beaucoup même, le bâton pour se faire battre est une chose (son remake de Sacrées Sorcières, son remake en live-action de Pinocchio pour Disney), il n'en reste pas moins que le désamour profond des spectateurs envers Robert Zemeckis est quelque chose que le cinéaste a, malgré lui, su susciter dans son désir pourtant incroyablement sein, de vouloir repousser les limites du septième art, d'user des avancées technologiques pour mieux paver le chemin pour d'autres cinéastes qui, malheureusement, récolteront souvent les lauriers à sa place.

Le douloureux tribut en somme, des pionniers, de ceux qui pensent le cinéma différemment, qui articulent leurs efforts sur une vérité discordante du tout commun, quitte à être totalement bouffée par elle : l'idée que l'expérience importe parfois, souvent, plus que l'histoire qu'il nous ait donné de voir.

Sony Pictures

Here - Les plus belles années de notre vie, son dernier effort en date, est clairement fait de cette pellicule là, à tel point qu'il intimement fait pour susciter la division et ce dès son parti pris original : l'idée qu'un lieu puisse à lui seul, capturer l'énergie de toutes les vies ayant vécues en son sein; la volonté de vouloir retracer non pas l'histoire d'une famille sur plusieurs générations, mais celle d'un certain espace bien précis, un coin - littéralement - témoin de tout depuis la nuit des temps (où pas loin).

À la fois bancal et aguichant sur le papier (on pense assez instinctivement, au superbe L’Arche russe d’Alexandre Sokourov, plongée renversante et à travers les époques, au cœur du musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg), ce concept, plutôt habilement mené d'un point vue mise en scène (l'illusion que la caméra est immobile, des fondus viennent servir de transition entre les époques), n'a pourtant qu'un seul (gros) défaut à l'écran : son scénario, quand bien même il a pour matériau de base le roman graphique éponyme de Richard McGuire, qui n'hésite pas à partir de la Préhistoire pour traverser les époques (dont le XVIIIe siècle, auprès des proches de Benjamin Franklin), et terminer sa fuite en avant auprès des Young, les parents tout d'abord - Paul Bettany et Kelly Reilly -, puis de l'un de leur enfant, Richard - Tom Hanks -, qui, à 18 ans à peine, fonde sa propre famille avec sa petite amie Margaret - Robin Wright.

Toute inventivité visuelle qu'il porte en lui, le film ne peut jamais vraiment masquer la vacuité de l'histoire qu'il tente de nous conter, morcelées en de (trop) nombreuses pièces d'un puzzle déséquilibré dès la racine : sa volonté de cartographier la banalité de la vie et de l'expérience humaine, sans jamais vaincre la fadeur évidente qu'une telle ambition convoque, sans jamais suffisamment développer ses nombreux personnages; sans jamais contredire la redondance d'un défilé maladroit de moments clichés et/où inintéressants, se résumant assez grossièrement - entre deux, trois interludes rapides et dispensables - au portrait convenu de l'archétype parfait de la famille américaine blanche, confrontée de plein fouet à la vie en banlieue.

Sony Pictures

Certes, Zemeckis a beau s'amuser comme un petit fou avec sa chronologie non linéaire, voire avec un rajeunissement douteux de son couple vedette, jamais il ne donne assez de corps et de cœur, de profondeur et de nuances à son odyssée humaine douce-amère où la poésie n'arrive à émerger que par quelques bribes fugaces - même avec le score d'un Alan Silvestri clairement fait pour tirer sur toutes les cordes sensibles possibles.

On ne doute pas de la sincérité du papa de Forrest Gump, mais à l'arrivée, son dernier long-métrage est définitivement plus artificiel et confus qu'authentique, là où, même embaumé dans le sentimentalisme dégoulinant qui est si cher à son cinéma, il aurait pu être une formidable balade rétrospective.


Jonathan Chevrier



Sony Pictures

Robert Zemeckis et la critique, ça n’a pas toujours été une histoire d’amour. Ses derniers films n’ont pas connu un succès marquant. Mais, déjà avant, il était souvent attaqué pour ses tentatives artistiques, notamment lors de la sortie du Pôle Express avec sa production en performance capture. Il revient cette année avec un nouveau concept. Here nous propose une œuvre avec un seul cadre, en caméra fixe, suivant la vie d’une famille américaine de l’enfance jusqu’à la vieillesse. Un concept qui intrigue au premier abord et qui peut être à double tranchant. Soit cela donne un objet cinématographique novateur, soit c’est un plantage complet. Malheureusement, Here est dans la deuxième catégorie.

Cette idée de cadre n’a pour seul résultat que de nous laisser totalement à l’extérieur de cette famille américaine. Le spectateur n’est qu’un simple observateur de scènes de vie toutes plus banales les unes que les autres. En théorie, il n’y a rien de problématique à suivre les banalités de la vie. Cependant, son concept rend toute tentative de mise en scène inexistante, car totalement limitée dans l’espace. Il y a bien ces inserts dans le cadre qui découpent les images comme des cases de bande dessinée, et qui rendent le montage et le reste du film un minimum intéressant esthétiquement parlant (une idée qui vient en réalité de la BD qu’adapte Robert Zemeckis). Mis à part les idées déjà présentes dans l'œuvre originale, Zemeckis ne propose pas grand-chose en plus.

Sony Pictures

Là où le film trébuche le plus, c’est sur son histoire. Comme cité plus tôt, on suit la banale vie d’une famille américaine. Mais ces scènes sont aussi entrecoupées par des instants d’autres familles, dans d’autres époques. C’est ainsi que l’on va voyager à travers l’histoire de l’Amérique, par le prisme d’un seul et unique lieu. Une ambition qui, sur le papier, semble passionnante, et qui découle directement du comics. Cependant, là où ce dernier se contentait de dessiner un portrait des États-Unis, le film, lui, cherche à nous raconter un plus petit récit. S'emmêlent donc la petite et la grande histoire en une seule. Mais, entre d’un côté ces aventures banales de famille américaine sans grand intérêt, retournements, et cette grande fresque américaine pleine d’évidences ou de propos vus et revus mille fois, on ne comprend pas bien ce que Zemeckis tente de nous dire. Chaque petit tableau nous apparaît pendant de brefs instants, tente de faire écho aux autres, mais il est très difficile de se passionner pour chacun d’eux, qui sont assez inégaux en matière de qualité et d’intérêt. Ce qui est dommage, car certains donnent limite envie d’avoir un film uniquement sur eux tant les personnages et leurs récits captivent bien plus que la trame principale (notamment celui se déroulant au début du XXᵉ siècle sur le couple où le mari est un inventeur), rendant le tout particulièrement frustrant.

Here a aussi été particulièrement critiqué pour l’utilisation de sa technologie de dé-aging sur Tom Hanks et Robin Wright. En effet, afin de pouvoir interpréter les personnages tout au long de leur vie, Robert Zemeckis a utilisé ce processus se basant sur une IA pour rajeunir numériquement les acteurs. Nombre de journalistes américains ont incendié le film sur ce point particulier, dénonçant une horreur esthétique. Il faut reconnaître que si le but premier est de reproduire le visage du duo dans leur jeunesse, c’est une réussite. On a vraiment l’impression de revoir Forrest et Jenny. De plus, cela permet d’accepter que Paul Bettany puisse être le père de Tom Hanks. Cependant, la conséquence est qu’il y a une absence totale d’émotion sur les visages des deux protagonistes. Un défaut accentué par une performance des acteurs qui est par moment acceptable, mais le plus souvent assez affligeante. Mais, ce problème de dé-aging est finalement assez simplement esquivé par Zemeckis par le fait qu’il filme de très loin ces personnages, nous empêchant de trop remarquer les failles. Malheureusement, tout cela ne fait qu’encore plus exclure le spectateur de ce récit et des enjeux émotionnels.

Sony Pictures

En résumé, Here n’est rien de plus qu’un sous-Forrest Gump complètement aseptisé. Zemeckis cherche une nouvelle fois à raconter la grande histoire de l’Amérique grâce à la petite, mais ne fait que s’emmêler les pinceaux. Il nous offre un produit qui ne sait pas ce qu’il veut dire, ne sait pas où il va, et ne transmet rien de bien intéressant. En nous servant quasiment que des lieux communs, il tombe parfois dans le ridicule. Le cinéaste ne fait que singer bêtement les éléments esthétiques de la bande dessinée auxquels il colle une ambition déjà vue (et bien mieux explorée) dans son film sorti 30 ans plus tôt. Quand bien même le film a des propos intéressants sur les relations familiales et les attaches entre les membres, l’absence totale d’émotion les rend purement théoriques.


Livio Lonardi