[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #156. Johnny Mnemonic
© 1995 TriStar Pictures // Columbia/Tristar |
Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !
#156. Johnny Mnemonic de Robert Longo (1995)
Le cinéma SF des années 90, hors quelques pépites qui surnagent parmis le marasme d'une production ayant tout tenté pour récolter du dollar en masse, c'est un peu comme ton pote de fac nostalgique revient bousculer ton quotidien rangé tous les 36 du mois, qui te fait picoler en invoquant les bons souvenirs du passé, avant de te laisser une gueule de bois avec le sentiment tenace d'avoir passé à la fois un moment chouette, et une soirée franchement embarrassante.
© 1995 TriStar Pictures // Columbia/Tristar |
Et d'embarras, il en est totalement question avec Johnny Mnemonic de Robert Longo (dont c'est le seul et unique long-métrage, il n'y a pas de hasard), pinacle de la carrière de Keanu Reeves (qui a dit Matrix ?), morceau de SF dystopique/cyberpunk qui trouvait le moyen d'aborder la - encore naissante - réalité virtuelle d'une manière encore plus absurde et (involontairement) hilarante que l'immonde Le Cobaye 2 de Farhad Mann - on exagère, mais juste un peu.
Adaptation - lointaine - de la nouvelle The Movement du pape du cyberpunk William Gibson (publiée dans le recueil Gravé sur Chrome) qui a du, sensiblement, inspirer les sœurs Wachowski dans leur odyssée future (un Reeves branché, se lance dans un monde virtuel et apprend qu'il est le seul capable de sauver la race humaine... tu l'as ?), qui aura certes sauvé l'éternel Neo d'un Speed 2 qui ne lui aurait pas fait du bien, mais pas d'un exercice qui mettra méchamment en doute ses talents de comédien (et incarnera les prémisses de la vague " sad Keanu "), le film qui pousse les excès déglingués de Demolition Man encore un peu plus loin (une pandémie où le mal se transmet par WiFi... où pas loin), suit les atermoiements d'un coursier 2.0 qui intègre et transporte des données informatiques dans son cerveau pour différents clients qui souhaitent protéger leurs données à tout prix, parce que dans le 2021 des 90s comme le 2021 de notre époque, le hacking est un danger bien trop palpable.
© 1995 TriStar Pictures // Columbia/Tristar |
Évidemment, le bonhomme qui a fait de son cerveau, via un implant cérébral, un véritable disque dur de 80Go (via un implant cérébral), accepte la dernière mission de trop, et il met sa vie en jeu avec plein de mondes à ses trousses, dont un Dolph Lundgren délirant en assassin cyborg/prédicateur/sosie bodybuildé de Jesus (la vraie star du film, c'est lui), un Ice-T en chef de la résistance où encore un Takeshi Kitano qui se demande vraiment ce qu'il fout là.
Mais heureusement, un cousin geek de Flipper cybernétiquement amélioré est là pour lui filer un sacré coup de main...
Bordélique as hell quand il n'est pas gentiment risible, évacuant toute portée philosophique K-Dickienne (tout n'est qu'une extrapolation pas si exagérée, de notre société contemporaine) pour une action rocambolesque même si étonnamment soutenue, Johnny Mnemonic s'échine tout du long, avec un sadisme maladif, à s'attirer les foudres de tous, même du spectateur le moins cynique et sarcastique et pourtant, impossible de ne pas y déceler une vraie conscience, peut-être stupide certes, de soi qui force le respect.
Car oui, le film de Longo, pas aidé par un montage méchamment tronqué, apparaît presque plus comme une comédie cartoonesque et Gilliam-esque, jusque dans les prestations délurées et/où robotiques (ironie) de sa distribution, que comme une vraie bande SF pur jus et prophétique, qui viendrait creuser les fondations tel un prophète malade, des futures monuments que seront Strange Days et Matrix.
© 1995 TriStar Pictures // Columbia/Tristar |
Et si son ridicule complet n'était pas, simplement, l'expression d'un réalisateur totalement conscient qu'il s'attaque à un pavé beaucoup trop sérieux/imposant pour lui, et qui choisit in fine la voie de la gaudriole absurde purement 80s ?
De ses dialogues mi-lunaires, mi-concis à son montage frénétique, de sa mise en scène cadrée au poil de barbe près à son esthétique volontairement criarde, sans oublier sa direction d'acteurs comme dit plus haut : tout indique où presque le désir de pondre un gros délire, turbo-débile mais jubilatoire, concocté par un artiste contemporain qui n'avait strictement rien d'un cinéaste, et qui n'a jamais cherché à le devenir par la suite.
Et si Johnny Mnemonic était en fait, le chef-d'œuvre incompris et cynique d'un Picasso improvisé de la caméra, venant nous confrontrer à l'absurdité dangereuse de notre société, avec pour messie un Keanu Reeves qui nous préparait, inconsciemment, au futur virage déglingué/entreprise d'auto-démolition de la carrière d'un Nicolas Cage qui a secrètement fait de sa performance, son Nouveau Testament (c'est faux, mais on y croit) ?
Ouais, on dit parfois beaucoup de conneries, mais imagine seulement s'il y a un peu de vérité là-dedans...
Jonathan Chevrier