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[CRITIQUE] : Un visa pour la liberté : Mr Gay Syria

Réalisatrice : Ayse Toprak
Avec : -
Distributeur : Outplay Films
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Allemand, Français, Turc.
Durée : 1h28min

Synopsis :
Syrien, réfugié et homosexuel, Hussein, 24 ans vit exilé en Turquie en ayant dû laisser sa fille derrière lui afin d’échapper à une mort certaine. Entre survie et peur, une opportunité s’offre à lui : participer au concours Mr Gay World en Europe afin de sensibiliser le monde à la situation des personnes LGBT en Syrie. Mais pour aspirer à la liberté, il lui faudra d’abord une chose : obtenir un visa.



Critique :

Fascinée par les destins marginalisés, la réalisatrice Ayse Toprak revient dans son pays natal, la Turquie, pour y tourner son premier long-métrage Un visa pour la liberté : Mr Gay Syria. Elle y suit des immigrés syriens qui ont dû fuir leur pays en guerre et qui doivent subir à la fois la violence d’avoir été arrachés à leur terre mais aussi les préjugés autour de leur sexualité. La cinéaste nous emmène au cœur d’une communauté gay syrienne qui se voit obtenir une certaine liberté corporelle et mentale dans leur nouvelle vie. Ces jeunes hommes s’assument pleinement dans leur petit cocon queer après des années à enfiler le masque de l’hétérosexualité pour leur sécurité. Mais cette liberté n’est qu’éphémère dans un pays où les mœurs ne sont pas si éloignées de leur propre pays.

Copyright Outplay Films

Il existe Miss France ou Miss Monde mais il existe également Mr Gay World depuis 2009, dont le but est de promouvoir les droits LGBTQ + dans le monde entier. La beauté devient annexe et celui qui remporte la couronne convoitée se voit nommer ambassadeur de toute une communauté dans laquelle de nombreux hommes gays vivent au sein de pays où l’homosexualité est interdite par la loi. Très vite dans le film, nous rencontrons Mahmoud Hassino, réfugié syrien qui a obtenu un droit d’asile à Berlin. Il intervient dans une association berlinoise pour aider les réfugiés gays à s’installer et à remplir les papiers administratifs. Il voyage fréquemment à Istanbul dans le but d’aider, autant qu’il se peut, sa communauté. Mahmoud a envie de braquer les projecteurs sur ces réfugiés syriens qui sont totalement invisibilisés dans les luttes : celles pour les droits des immigrés et celles pour les droits des LGBTQIA+. Il fait alors le pari fou d’organiser un Mr Gay Syria à Istanbul (pas en Syrie pour des raisons évidentes…) pour que le gagnant puisse participer au concours de beauté qui doit se tenir à Malte. Son but est de sensibiliser aux violences spécifiques que subissent les hommes gays réfugiés syriens, qui même s’ils sont maintenant en sécurité en Turquie, loin de la guerre, sont loin d’être en sécurité en tant qu’homosexuel dans un pays où les droits LGBTQIA+ sont bafoués — même si l’homosexualité n’est pas considérée comme illégale.

La caméra de Ayse Toprak vient alors capter des vies et des visages, où s’articulent les joies et les peines. Hussein, vingt-quatre ans, a traversé la frontière avec toute sa famille. Il endosse une double personnalité : celui du jeune coiffeur gay la semaine, où il côtoie l’association de Mahmoud qui se rassemble à l’abri des regards dans un café et celui du père de famille le week-end, où il vient rendre visite à sa femme (avec qui il avait été marié de force en Syrie) et à sa petite fille de un an et demi. Omar, jeune cuisinier, a un peu plus de chance. Il n’a pas à se couper en deux puisqu’il vit avec l’amour de sa vie. Seulement, son fiancé part en Norvège pour ses études et il ne peut, pour l’instant, le suivre à cause de l’administration. Les deux hommes décident de participer au concours pour obtenir un visa et se rapprocher des pays européens, là où être gay devient synonyme de liberté.

Copyright Outplay Films

Un visa pour la liberté détient un ton doux-amer propre à nous entraîner dans un tourbillon d’émotions contradictoires. On rit face à l’humour d’Omar, face à sa bonhomie. On pleure face à la détresse d’Hussein quand il apprend que son visa pour Malte est refusé. On retient notre souffle face à la violente répression policière pendant la Gay Pride turc, où les policiers tirent sans sommation des flash-ball sur les militants pacifistes. Ayse Toprak filme une double-peine : porter les stigmates du réfugié syrien et tous les préjugés qui vont avec et porter la peur de voir sa sexualité devenir un motif d’exclusion ou même de meurtre. Son regard détient alors la responsabilité de porter leur voix au-delà des remparts turcs et d’apporter une humanité bienvenue à ces vies et à ces corps sans cesse déshumanisés et invisibilisés.


Laura Enjolvy


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