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[CRITIQUE] : Superman


Réalisateur : James Gunn
Acteurs : David Corenswet, Rachel Brosnahan, Nicholas Hoult, Nathan Fillion, Isabela Merced, Edi Gathegi, Anthony Carrigan, Maria Gabriela de Faría,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Action, Aventure, Science-fiction.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h09min

Synopsis :
Superman se retrouve impliqué dans des conflits aux quatre coins de la planète et ses interventions en faveur de l’humanité commencent à susciter le doute. Percevant sa vulnérabilité, Lex Luthor, milliardaire de la tech et manipulateur de génie, en profite pour tenter de se débarrasser définitivement de Superman. Lois Lane, l’intrépide journaliste du Daily Planet, pourra-t-elle, avec le soutien des autres méta-humains de Metropolis et le fidèle compagnon à quatre pattes de Superman, empêcher Luthor de mener à bien son redoutable plan ?




Faire renaître l'espoir.

Voilà la mission à la fois simple et titanesque échouée à James Gunn, architecte de l'impossible - avec Peter Safran - du renouveau d'un DCU plein de promesse, après la débandade d'un " Snyderverse and CO. " dont le walk of shame flirtait lourdement avec le malaise et l'indécence, lui qui n'a jamais réellement su s'imposer comme un réel concurrent, et encore moins une vraie alternative, à un MCU jadis surpuissant mais désormais tout autant à un carrefour créatif profondément critique.

Copyright 2025 Warner Bros. Entertainment. All Rights Reserved. TM & DC

Faire renaître l'espoir en un univers à la gloire pas si lointaine, en un genre super-héroïque dont l'essor considérable n'a eu d'égal que la lente et inexorable chute qualitative au crépuscule de la dernière décennie.
Et qui de mieux que Superman, le plus solaire de tous les super-héros, pour raviver une flamme en passe de (définitivement ?) s'éteindre, avec un Gunn et son sens de l'humour aussi décalé que son approche narrative (un poil plus " standardisé " depuis son passage chez Marvel, certes), à la barre (un cinéaste qui divise, mais dont on est plutôt fan ici).
Nous avions envie d'y croire, désespérément même et... Dieu soir loué, cette cuvée 2025 nous a donné entièrement raison, et nous a délivré tout ce dont on avait besoin, même dans ses imperfections.

Moins tranché que la vision d'un Zack Snyder qui épousait l'aura divine de son sujet pour mieux venir rompre avec les conflits dramatiques des itérations précédentes (tout en donnant, à sa manière, une définition particulièrement ambivalente de la notion d'héroïsme), le Superman de Gunn renoue lui avec la vulnérabilité des premiers films porté par feu Christopher Reeves, où les défis de Kal-El s'avèrent tout aussi cartoonesques et fantaisistes qu'ils malmènent férocement un super-héros encore jeune, qui vient à peine de briguer son rôle de protecteur de Metropolis - et, plus difficilement, du monde -, mais aussi de nouer une relation intime avec ce qui est appelé à être l'amour de sa vie, Lois Lane (dont le secret de Clark l'a fait rentrer éthiquement en conflit avec son métier de journaliste).

Une manière d'initier tout en douceur donc, son auditoire à un univers déjà établi où les métahumains sont présents depuis longtemps (mais bien moins prompt à agir, comme l'homme d'acier, sans l'aval des gouvernements), rompant ainsi drastiquement avec l'orthodoxie de l'origin story redondante et inhérente au genre (on connaît tous son histoire, et Gunn considère son spectateur comme suffisamment intelligent pour ne pas la lui rebalancer à la tronche), pour mieux voguer vers un récit totalement tourné vers ses personnages (et excessivement fidèle à son modèle sur papier glacé), articulé autour de la lutte/crise identitaire et de foi d'un Clark/Superman qui n'est plus un Jésus Snyderien, mais bien un sauveur de l'humanité parmi tant d'autres, qui doit encaisser de plein fouet les conséquences comme les réactions face à ses prises de décisions, qui minent méchamment sa raison d'être et sa vision idéaliste des choses.

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Une exploration touchante et vulnérable de la figure de Superman en somme, moins divine et terrassée par ses propres tourments (où les interventions répétées de la Justice League) que celle qui nous servait jusqu'ici de modèle attitré, tant le bonhomme passe une bonne frange du film à encaisser les coups et à bouffer la poussière, avant de mieux rebondir et d'apprendre de ses échecs, Gunn le bousculant - littéralement - dans son âme comme dans sa chair pour intelligemment mettre en lumière son incroyable pouvoir de résilience ainsi que son humanité - ce qui fait, au fond, la raison pour laquelle il est l'une des figures les plus touchantes et emblématiques du monde super-héroïque.

Une vision parfaitement retranscrite et portée par l'interprétation impeccable de sa distribution, d'un David Corenswet qui épouse la bonté et l'idéalisme touchant de Clark sans jamais tomber dans la caricature du (grand) boy scout, à une Rachel Brosnahan qui capture toute l'ambivalence séduisante de Lois Lane (d'autant que pour ne rien gâcher, son alchimie avec Corenswet est absolument phénoménale), en passant par un Nicholas Hoult savoureusement antipathique (le meilleur Lex possible, dont l'écriture laisse poindre quelques notes Muskiennes, voire Trumpiennes, dans son attitude) - et même un Krypto qui est un pur scene-stealing.

Tout le pouvoir de Gunn est là, dans sa manière de concilier les prouesses imposantes de son héros profondément bon avec son poignant conflit intérieur, d'aborder les thématiques qui sont cher à son cinéma (des traumatismes individuels aux rapports familiaux conflictuels, sans oublier la volonté viscérale de vouloir se créer sa propre famille de substitution, ici triple pour Kal-El avec les Kent, ses collègues du Daily Planet et la Justice Gang fondée par Maxwell Lord), tout en renouant avec l'aura épique d'un vrai univers partagé, et en laissant même exploser tout l'aspect kitsch et burlesque de son cinéma - où l'humour et le drame peuvent exister dans un même mouvement, sans que l'un ne parasite l'autre.

Copyright 2025 Warner Bros. Entertainment. All Rights Reserved. TM & DC

Alors oui, tout n'est évidemment pas réussi sur tous les points, notamment dans ses contours politiques et socialo-contemporains, plus élaborés certes qu'un Captain America : Brave New World, mais encore un poil maladroits (le statut d'immigré de Kal-El, son positionnement en tant que citoyen supposé américain face à un conflit étranger, qui évoque clairement l'invasion de l'Ukraine par la Russie,...), son rythme un chouïa en dents de scie où encore l'incapacité de son cinéaste à pouvoir repenser la grammaire visuelle du genre (lui qui privilégie une mise en scène très vidéoludique, certes loin des zooms instantanés et des ralentis excessifs du papa de 300, mais dans le même temps plus maladroite dans sa gestion des espaces et des échelles), mais Superman cuvée James Gunn et son cœur incroyablement généreux, est à l'image même de son homme d'acier : merveilleux et imparfait, amusant et touchant, puissant et merveilleusement humaniste.

Et même s'il ne plaira pas à tout le monde, il nous a franchement conquis et on crève déjà d'envie de le retrouver dans un futur proche.
Merci pour les travaux et pour tout cet amour envers l'univers DC James, vraiment.


Jonathan Chevrier