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[CRITIQUE] : Rock Bottom


Réalisatrice : María Trénor
Acteurs : -
Distributeur : Potemkine Films
Budget : -
Genre : Animation, Musical.
Nationalité : Espagnol, Polonais.
Durée : 1h26min.

Synopsis :
À partir de l'album mythique de Robert Wyatt, Rock Bottom nous plonge dans l'histoire d'amour vertigineuse de Bob et Alif, deux jeunes artistes de la culture hippie du début des années 1970.




On ne le répétera jamais assez, dans un paysage cinématographique (pas uniquement Hollywoodien, ne généralisez... même si ce n'est pas totalement faux) mechamment gangrenné par des productions simplistes usant inlassablement et sans le moindre remords la même popote établie et éprouvée, le biopic musical moderne peut intimement se voir comme l'une des propositions les plus facilement déclinables du marché.

Il faut dire, une bonne frange (plus de la majorité, et cela resterait une fourchette assez raisonnable) de ses péloches ne sont souvent guère plus que des exercices glorifiés de gestion de marques/icônes, articulés entre des numéros musicaux fédérateurs - continuellement à la lisière du fan service -, des performances d'acteurs plus ou moins grimés à la truelle (genre Alain Deloin... shame si tu n'as pas la référence) et une intrigue distribuant avec plus ou moins de subtilités, des affirmations biographiques généralement approuvées en amont par la succession et/ou les proches des défunts - car un procès ou un bad buzz médiatique fait tâche dans une course aux statuettes dorées.

Copyright Alba Sotorra

Mais il arrive parfois, petit oasis dans un désert créatif de plus en plus aride, que la limonade est appelée à nous rester méchamment sur l'estomac se fasse plus digeste - voire même étonnamment goûteuse -, dépasse la banalité confondante des exposés cinématographiques à leur gloire.
Pas besoin de tortiller plus longtemps de la plume, Rock Bottom de María Trénor fait décemment partie de ses exceptions, moins biopic (la faute à une vérité historique parfois fuyante) qu'une belle invitation surréaliste à la découverte de l'univers du musicien britannique Robert Wyatt, au cœur d'un film d'animation audacieux et psychédélique qui s'inspire librement de son existence comme de sa musique.

Un film moins de narration que de sensation (où l'usage d'animations et effets multiples, allant de la rotoscopie a des séquences picturales - mais aussi quelques inserts numériques -, se fait à la fois symbolique et cohérent), où les émotions se font la seule ligne directrice logique et fiévreuse (le film en tout en extase et en souffrance), au plus près du chaos et de la tragédie d'une union, celle de Bob (Wyatt) et Alif (l’artiste Alfreda Benge), nourrie par les excès et une soif sincère d'amour, s'épanouissant entre un New York sauvage des 70s (où la libération sexuelle était moins libre qu'on le pense), et un paysage majorquin plus paisible; deux cadres reflétant avec justesse la volatilité émotionnelle des deux personnages, à l'image même d'une musique servant de miroir aux images.

Copyright Alba Sotorra

Film hommage captivant et onirique même si frustrant sur quelques points essentiels (notamment l'impression irritante de ne voir Alif n'exister qu'à travers sa relation avec Bob), pensé pour diviser dans ses choix artistiques comme dans son refus de toute narration claire (tout est dans la sensation, moins dans l'évocation pire et dure); Rock Bottom est totalement de ses expériences influencées et exigeantes qui méritent d'être vue pour l'audace dont elles font preuve, quand bien même elle est appelée à laisser plus d'un spectateur - moins les fans - au virage de la première bobine.

L'une des (très) belles découvertes ciné de l'été.


Jonathan Chevrier