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[CRITIQUE] : Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde


Réalisateur : Emanuel Parvu
Acteurs : Bogdan Dumitrache, Ciprian Chiujdea, Soso Maness, Laura Vasiliu, Valeriu Andriutã,...
Distributeur : Memento Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Roumain.
Durée : 1h45min.  

Synopsis :
Adi, 17 ans, passe l’été dans son village natal niché dans le delta du Danube. Un soir, il est violemment agressé dans la rue. Le lendemain, son monde est entièrement bouleversé. Ses parents ne le regardent plus comme avant et l’apparente quiétude du village commence à se fissurer.



Critique :



Impossible de ne pas saluer l'ambition éclatante du solide thriller psychologique qu'incarne Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde d'Emanuel Parvu, de vouloir faire de son cinéma une voix aussi importante que peuvent l'être ceux de ses Cristian Mungiu et Cristi Puiu, au sein d'un cinéma roumain en pleine reconstruction, lui qui suit à la fois la logique de ce que l'on peut considérer comme la Nouvelle Vague roumaine, avec des considérations socio-politiques caractéristiques de cette mouvance aussi fascinante que particulière (porté par un humour amer, de longs monologues,...), tout en y apposant sa patte personnelle qui le démarque intimement de ses compatriotes tout autant qu'elle dévoile, assez paradoxalement, les menus faiblesses de celle-ci.

Copyright Memento Distribution

Bâtissant sa narration sur les épaules d'une ellipse dont les tenants ne sont pas si mystérieux que cela (l'agression violente, et résolument homophobe, d'un jeune étudiant par deux autres, qui va lentement bousculer la quiétude de sa famille, ), véritable leitmotiv à une radiographie austère et crue de la Roumanie rurale contemporaine; le film abandonne très vite ses contours de drame policier pour laisser s'épanouir le regard clinique de Parvu sur les mécanismes ataviques d'un véritable écosystème opaque où l'omertá se fait un véritable barrage à tout changement, où l'injustice se fait le compagnon de la passivité, l'expression d'un obscurantisme profondément enraciné dans chaque âme.

Mais l'intelligence de Parvu est de ne pas se limiter à pointer, au coeur d'une petite communauté rurale du delta du Danube, les horreurs de l'homophobie et d'une agression homophobe - loin d'être un cas isolé, et encore plus aujourd'hui -, mais bien de retracer toutes les strates de cette agression pour mieux remonter jusqu'aux racines de l'homophobie locale, jusqu'à ce désir malsain de n'accepter aucun changement, aucun bouleversement, de limiter l'impact de toute violence - quitte même à faire comme si elle n'existait pas -, au sein même du cercle familial.

Copyright Memento Distribution

D'autant qu'il n'assène aucune réponse facile, aucune posture moralisatrice, il se contente de montrer ce petit manège misérable où personne n'a conscience - où veut avoir conscience -, d'ausculter tout ce qui fait que sa société, emprisonnée et emprisonnante, est malade : l'obscurantisme archaïque des croyances religieuses, ainsi que la servitude/corruption de la police locale.
Dommage que sa mise en scène se montre loin d'être aussi subtile, définitivement trop impersonnelle pour épouser la dureté de son propos, qui va définitivement plus loin que de la simple critique sociale d'une Roumanie rurale où le statu quo doit régner, que de la simple dénonciation puissante de l'homophobie, de sa violence abjecte à ses racines structurelles.

C'est sans doute là où l'écart avec ses illustres aînés, est encore marquée
 

Jonathan Chevrier






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