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[CRITIQUE] : Une Femme en jeu


Réalisatrice : Anna Kendrick
Acteurs : Anna Kendrick, Tony Hale, Daniel Zovatto, Jedidiah Goodacre,...
Distributeur : Netflix France
Budget :
Genre : Biopic, Policier, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h35min. 

Synopsis :
Los Angeles dans les années 1970. Tandis qu’une vague de meurtres défraie la chronique , une jeune femme qui aspire à devenir comédienne et un tueur en série se croisent à l’occasion d’un épisode de l’émission The Dating Game (Tournez Manège!).



Critique :



De toutes les comédiennes passant le difficile cap de la réalisation en cette riche année ciné 2024, Anna Kendrick était sans doute celle dont on attendait le plus le premier effort, Woman of the hour aka Une Femme en jeu par chez nous, au même titre qu'une Céline Sallette ayant joliment relevé le défi avec son excellent Niki - actuellement en salles.

D'autant que, pour l'occasion, elle n'a pas eu peur de corser les débats en s'attachant à l'un des faits divers les plus terrifiants et célèbres du petit écran ricain : l'apparition au sein de l'émission The Dating Game (l'équivalent US de notre Tournez Manège!), en 1978, du tueur en série Rodney Alcala, qui avait eu l'audace de vouloir séduire l'Amérique et sa potentielle nouvelle victime, devant les yeux de millions de spectateurs.

Copyright Leah Gallo/Netflix

Un sacré programme pour un thriller qui utilise cette incroyable toile de fond comme d'un contexte follement pertinent pour mieux pointer la misogynie crasse de toute une époque - pas si lointaine -, d'explorer avec minutie les luttes persistantes et quotidiennes auxquelles sont confrontées les femmes, vissée sur les atermoiements d'une actrice en herbe malchanceuse mais farouchement dépendante qui, faute de percer à Hollywood, se voit obligée d'accepter un contrat dans une émission ultra-kitsch qui la mettra, involontairement, sur la voie d'un célèbre tueur en série - mais aussi face à toutes les gammes de la masculinité toxique.

C'est par ce prisme intelligent et empathique, dénué de tout sensationnalisme putassier, que Kendrick dresse non pas le portrait familier d'un esprit malade et violent, mais bien celui glacial de tout un système, des structures sociétales qui façonnent cette misogynie et ces violences - voire la laisse paresseusement s'exprimer -, à travers le silence consenti des victimes de ce cycle infernal aux (trop) nombreuses strates, dont elle trace les parcours en parallèle de celui du tueur, qui se sert habilement de l'émission et de tous ses symboles (ces murs qui permettent pas aussi bien de garder le mystère sur le physique chaque prétendants, que de leur offrir la possibilité de masquer leur vraie nature, comme pour Alcala qui apparaît ici comme un homme féministe intelligent et tolérant, là où son modus operandi était absolument terrifiant de perversité).

Copyright Leah Gallo/Netflix

Tout en flashbacks intelligemment usés (chacun donnant un temps de présence aux victimes d'Alcala, où l'humanité de celles-ci est continuellement privilégié à la violence sourde et odieuse du tueur), qui viennent nourrir la trame au présent et non la parasiter - idem pour son rythme, dont la tension grimpé crescendo -, Woman of the hour, jamais macabre ni putassier, se fait un thriller passionnant et imprégné d'une rage aussi palpable que nécessaire, à la fois dans sa manière vibrante de porter la voix des victimes criminellement réduites au silence, que de pointer le malaise derrière la vérité d'une société qui, au fond, n'a jamais totalement changé dans son rapport aux victimes féminines.

La réalité est souvent plus dérangeante et choquante que la fiction.


Jonathan Chevrier





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