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[CRITIQUE] : Pinocchio par Guillermo Del Toro


Réalisateurs : Guillermo Del Toro et Mark Gustafson
Avec : avec les voix de Gregory Mann, Ewan McGregor, David Bradley, Tilda Swinton, Christoph Waltz, Finn Wolfhard, Cate Blanchett, John Turturro, Ron Perlman, Tim Blake Nelson, Burn Gorman,…
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Animation, Fantastique.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h57min.

Synopsis :
Le réalisateur Guillermo del Toro, primé aux Oscars, revisite le conte de Carlo Collodi sur une marionnette qui, comme par magie, prend vie pour apaiser le cœur d'un sculpteur sur bois du nom de Geppetto. Cette épopée musicale et fantastique en stop-motion réalisée par Guillermo del Toro et Mark Gustafson suit les aventures de l'espiègle et désobéissant Pinocchio qui cherche sa place dans le monde.



Critique :


S'il n'y avait pas trop de doute - et le mot est faible - quant au fait que cette nouvelle adaptation du conte de Carlo Collodi surplombe de toutes ses bobines celles toute récente et impersonnelle de Robert Zemeckis du coté de chez Disney, force est tout de même d'admettre que l'on ne pensait pas que Guillermo Del Toro, pour ses premiers pas autant du côté de Netflix que dans l'exigence de l'animation en stop-motion, nous délivre ce qui est sensiblement son plus beau film depuis son chef-d'oeuvre Le Labyrinthe de Pan, avec lequel il faisait déjà se heurter fascisme et fantaisie dans une merveilleuse et tortueuse fable onirique.
Bien qu'il partage le crédit de sa réussite avec Mark Gustafson, et que le développement du film s'est étalé sur plusieurs années (chevauchant d'ailleurs la production de son merveilleux Nightmare Alley, sorti plus tôt cette année), impossible de ne pas voir dans ce nouvel effort, pleinement frappé par sa signature visuelle si familière, une oeuvre infiniment personnelle.

Copyright Netflix

Première adaptation à être totalement réalisé en stop-motion, et donc a enfin voir Pinocchio, la marionnette de bois qui prend vie, être joué tout du long par une vraie marionnette, le film, qui prend au pied de la lettre le mot " adaptation " ne reprend finalement que quelques passages clés du matériau d'origine et délocalise son intrigue au milieu du XXème siècle, permettant ainsi à Del Toro de reprendre les thèmes phares de son cinéma : l'Europe en pleine guerre, le spectre écrasant du fascisme, les peurs enfantines, une mort omniprésente et la rencontre sublime et fantastique entre l'humanité et la monstruosité - et la musique de Desplat en prime.
Ici, Pinocchio n'est pas tant la création pleine d'amour de l'humble scultpeur Gepetto (qui est finalement tout autant le héros de l'histoire, que sa création), que le fruit Frankenstein-esque d'une nuit d'ivresse où le chagrin de la perte d'un fils - Carlo - à la guerre, l'a fait créer la vie à partir d'un morceau de pin.
Et ce petit garçon de bois n'est pas non plus l'incarnation parfaite et mélancolique du souvenir d'un enfant perdu, c'est un petit être téméraire et impulsif, intérieurement et physiquement imparfait, brut et inachevé, un " monstre " comme les aime le cinéaste, dont il va en extraire la beauté dans la maladresse et l'aspect chaotique de ses gestes et de ses interrogations au coeur d'un monde peut-être encore plus anarchique que lui.
Dans un magnifique ballet des sens où satire, parabole affûtée et tendre sentimentalité s'entremêlent pour ne plus former qu'un dans une fable à la fois sombre et étrangement grotesque, dont la douceur et la délicatesse émerveillent même dans ses plus petites maladresses, Pinocchio tutoie une grâce que seule la stop-motion, à la fois furieusement intime et incroyablement dense, pouvait offrir.

Copyright Netflix

Toujours saturé de lumière et de couleurs pour mieux mettre en valeur la minutie et la richesse de son animation, certes pas forcément tourné vers les plus petits - loin de là même - mais d'une justesse et d'une mélancolie, Pinocchio est une expérience sauvage et tendre à la fois où la désobéissance fougueuse devient une forme de résistance héroïque, où la création se fait la voie la plus saine et pleine d'espoir vers la guérison.
En ce concentrant pleinement sur les questions existentielles de son histoire et de ses personnages, tout en n'ayant jamais peur d'assumer ses imperfections autant que celle d'une humanité sombrant peu à peu dans la terreur et la folie, Guillermo Del Toro vise encore fois juste et signe un nouveau conte magique et enchanteur, indiscutablement l'une des séances immanquables de cette fin d'année ciné 2022.


Jonathan Chevrier