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[FUCKING SERIES] : Mr Robot saison 4 : Goodbye, friend


(Critique - avec spoilers - de la saison 4)

Pour être tout à fait honnête, passé une saison 3 ayant tout simplement raté le coche malgré quelques satisfactions non négligeables, il était franchement difficile d'attendre avec une certaine impatience ce que le talentueux Sam Esmail allait nous concocter comme tournée d'adieu pour Mr Robot et la FSociety, malgré toute la confiance qu'on pouvait avoir dans le bonhomme, et le temps conséquent - un an et demi -, qu'il a eu pour la structurer au détail près.
Monumentale erreur comme le dirait si bien Jack Slater, car non seulement le bonhomme a su contrecarrer toutes nos craintes (légitimes), mais avant tout et surtout, il a su répondre à toutes nos (nombreuses) attentes pour signer ce qui est sans l'ombre d'un doute, l'un des finals les plus réussis et complexes de la télévision US de ses dix dernières années.
Mieux que quiconque, Esmail connait la série, mieux que quiconque, il savait comment celle-ci devait se terminer et ce, même s'il semblait naviguer à l'aveugle sur de nombreux épisodes de la saison précédente, comme s'il se perdait volontairement pour justement, mieux nous perdre tel un magicien totalement conscient des mécanismes de l'illusion qu'il est en train de pratiquer.



Photo: Elizabeth Fisher (USA Network)

Cette impression est d'autant plus palpable que dès les premières secondes de cette quatrième saison, le show sait pertinemment ou il va, en n'hésitant même pas une seule seconde à choquer son auditoire en sacrifiant un personnage essentiel (Angela), mais arrivé en bout de course à tous les niveaux.
Il faut comprendre là que Mr Robot (que ce soit la série, Esmail ou même Elliott réunis), ne trainera pas de boulet à sa caméra sur ce dernier tour de piste, tant sa course se doit d'être aussi fluide que rythmée.
Même si des temps morts salvateurs pour reprendre son souffle, sont toujours aménagés avec une exactitude rare, les treize épisodes s'échinent à aller un maximum possible à l'essentiel, et incarner à l'écran ses fameuses montagnes russes de Coney Island, qui nous drague du regard depuis la saison 1.
Riche en rebondissements divers et tout le temps sur la corde raide, cet ultime salve d'épisodes s'autorise tout ou presque, avec une furie renversante : des départs à la pelle (celui mystique de Tyrell, celui plus pitoyable mais digne de Pryce, celui volubile et jouissif de Vera, le suicide libérateur de Whiterose,...), des retours importants (Krista qui a une place importante dans le dernier virage, Vera est l'un des moteurs de l'épisode le plus puissant de la saison, Leon qui est désormais un mercenaire freelance, fait des petits coucous réguliers,...), des partis-pris audacieux (un épisode quasiment silencieux, un autre plus théâtral et scindé en plusieurs actes,...), une mise en images de nombreuses zones d'ombres (le passé de Whiterose, celui d'enfant maltraité d'Elliot, les regrets paternels de Pryce,...) mais aussi un vrai sentiment de pièces/épisodes qui s'emboîtent logiquement entre elles pour former un tout cohérent et bouleversant, qui nous pousserait presque à enchaîner dans la foulée du générique de fin de l'ultime épisode, un rewatch complet de toute la série, pour mieux déceler tous les points d'un canevas incroyable, qui nous a avait dévoiler quelques-uns de ses plus beaux secrets dès le départ...



Photo: Elizabeth Fisher (USA Network)

Plusieurs séquences de cette ultime saison font d'ailleurs échos aux saisons précédentes, pour mieux leur répondre et dévoiler les artifices d'une vérité dont on avait tous conscience, même si l'on osait à peine se l'avouer : l'Elliot qu'il nous était donné de voir dès les premiers instants de la série, n'était tout simplement pas le vrai Elliot, mais l'une de ses multiples personnalités, personnifié en sa mère (l'esprit persécuteur), le père qu'il n'a jamais eu (Mr Robot, l'esprit nébuleux mais protecteur), une version plus jeune de lui-même (l'esprit nostalgique, et garant pendant longtemps du bonheur et de son innocence) et une version alternative de ce qu'il est (l'esprit principal et dominateur), qui a pris depuis longtemps le contrôle de son esprit.
Avec force et non sans une certaine complexification intense, Esmail nous pousse à réapprendre à connaître et apprivoiser cette personnalité qui " contrôle " dans le tout dernier épisode, nous dévoilant sa vérité puisque celle qu'il nous a constamment donné à voir n'a pas toujours été digne de fiabilité (une leçon essentielle asséné par le show depuis longtemps : ne pas toujours croire ce que l'on voit).
Sans tambour ni trompette mais avec une plume affûtée, Esmail démêle le vrai du faux (en poussant le faux Elliot à réaliser qu'il l'est) pour mieux nous emmêler les méninges une dernière fois, avec pour seule phare Darlene, pilier fragile qui a presque toujours tout su - et qui fut au coeur de l'action bien plus de fois qu'elle n'aurait dû l'être -, notamment que son frère n'a pas toujours été lui-même, et encore moins une fois que l'idée de faire tomber E-Corp avait sensiblement germé dans sa tête.
Les derniers instants, salvateurs et suggérant que le laisser-aller espéré par Elliot est désormais réel, et que c'est lui-même qui est en charge de sa propre vie (toutes ses personnalités sont paisiblement assis devant un écran de cinéma, laissant à penser qu'elles seront désormais uniquement spectatrices de sa vie et non directrices), joue admirablement sur le mystère d'une question qui nous taraudera encore longtemps : au fond, qui est vraiment Elliot ?



Photo: Elizabeth Fisher (USA Network)

Est-il réellement cette voix-off qui nous parlait constamment et nous prenait comme complice de ses actions ?
Ressemblait-il physiquement à ce que l'on a pu voir jusqu'à maintenant, ou n'était-il qu'une énième projection créée pour personnifier sa quatrième personnalité ?
Est-ce réellement l'hôte qui prend désormais le contrôle, ou l'illusion d'une nouvelle personnalité encore plus forte et dominatrice ?
Seuls Esmail et Darlene le savent, et c'est sans doute mieux ainsi.
Si tout n'est évidemment pas parfait cette saison (même si nous nous efforçons de penser et affirmer le contraire, il faut être un tantinet objectif), les petits instants de flottements étant cependant bien moins conséquents qu'auparavant, cette quatrième cuvée renoue avec la fraîcheur et la maestria de la première saison (la meilleure... jusqu'à maintenant), tout en la battant sur son propre terrain grâce à une surenchère d'épisodes majeurs et foutrement grisant.
On pense évidemment au 1er, avec un décès brutal, une remise en abyme puissante et un cliffhanger palpitant (même si sacrifier son héros est une hérésie dont ne souffre pas Esmail), au 5ème, jouant à merveille des codes du film de casse tout en jouant l'économie de dialogues, au 7ème théâtral et thérapeutique façon huis clos, dont la tension et l'émotion nous cloue littéralement sur place (l'un des meilleurs moments de télévision de l'année).

Tout comme le 8ème, axé sur le potentiel destin funeste Dom et Darlene (là encore avec une maîtrise brillante du suspense), sans oublier le 9ème avec la chute enthousiasmante de Whiterose (façon " art de la guerre " avec les ultimes instants d'un Pryce qui quitte la scène comme un roi), et la concrétisation (enfin !) de plusieurs années de combat et de sacrifices; s'il est vrai que Mr Robot ne brusque pas tant que cela son tempo sur cette saison, il conclut en revanche ses " achèvements obligatoires " avec un souci du détail et de la petite valeur ajoutée qui fait clairement toute la différence, et ne sabotent en rien sa cohérence (prends-en de la graine Game of Thrones).


Photo: Elizabeth Fisher (USA Network)

Mais s'il faut clairement saluer le talent de Sam Esmail scénariste et showrunner, il ne faut surtout pas oublier non plus de saluer l'autre casquette essentielle du bonhomme : celle d'un metteur en scène brillant à la réalisation fluide et enlevée (toujours le plan juste et atypique), qui sert constamment sa narration et non l'inverse, un auteur jamais écrasé par ses nombreuses ambitions et références (il ne se perd aucunement dans les méandres du fan service facile), et dont la direction d'acteurs est l'une des plus imposantes de la télévision US.
En l'espace de quatre saisons, il a fait découvrir à la face du monde le brillant Rami Malek (habité et impliqué du début à la fin) dont l'explosion post-oscars est en marche - c'est tout ce qu'on espère en tout cas -, mais aussi offert un écrin d'exception à Carly Chaikin (déja géniale dans la sympathique sitcom Suburgatory aux côtés de la craquante Jane Levy), Grace Gummer (passé en coup de vent par l'écurie Ryan Murphy), Martin Walstrom (jusqu'ici inconnu au bataillon) et Portia Doubleday (love interest de Michael Cera dans Be Bad), a rappelé que Bobby Cannavale est un excellent performeur quand il est bien encadré (idem pour Craig Robinson, qui n'est pas que l'un des comédiens les plus drôle de l'humour US), mais surtout il a remis sous le feu des projecteurs aussi bien le mésestimé BD Wong, éternel second couteau d'Hollywood (il bouffe l'écran à chaque apparition, tant en Zhang qu'en Whiterose) et l'excellente Gloria Reuben (dans un rôle loin d'être évident, voire même assez limité sur le papier), que le génial Christian Slater, ex-breakout star avalé par le business, qui dans la peau du père d'Elliot et de Mr Robot, trouve peut-être son plus beau rôle à ce jour (la dernière saison joue clairement sur sa corde sensible, et il fait des ravages).



Photo: Elizabeth Fisher (USA Network)

Particulière à décortiquer, et donc de facto automatiquement fascinante a arpenter les yeux et l'esprit grand ouvert, tant elle cherche toujours a donner du sens à ce qui ne semble pas en avoir (et encore plus dans ses deux dernières heures de vie), Mr Robot nous aura offert au cours de ses quatre années de vie un univers époustouflant, terreau parfait pour que son créateur développe au-delà d'un récit grisant sur le hacking et un regard acéré sur la société contemporaine, engoncée dans son consumérisme et un ultra-capitalisme de plus en plus asphyxiant (d'où la nécessité viscérale de Fsociety, a redistribuer les richesses et faire tomber le 1% des plus riches des plus riches de ce monde), un déchirant regard sur la maladie.
Car plus qu'autre chose, la série est un bouleversant récit sur une âme luttant contre un sérieux trouble dissociatif de l'identité autant que face à un passé horrible, et qui tente de guérir de son traumatisme et de combattre ses démons par ses propres moyens, quitte à se perdre continuellement et ne plus être lui-même avant de pouvoir peut-être, un jour, se retrouver et ne plus simplement survivre.
Désormais, puisqu'il a sauvé le monde et pris le pas sur toutes ses personnalités, Elliot nous laisse orphelin mais pas moins satisfait aussi bien par l'idée d'avoir pu assister à l'un des meilleurs moments de télévision de la décennie, mais aussi enthousiasmé par l'idée de pouvoir la redécouvrir encore et encore avec un regard neuf et encore plus alerte qu'auparavant.
Merci pour tout Sam Esmail, vraiment.


Jonathan Chevrier



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