[CRITIQUE] : Adolescentes

Réalisateur : Sébastien Lifshitz
Acteurs : -
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français.
Durée : 2h15min.

Synopsis :
Emma et Anaïs sont inséparables et pourtant, tout les oppose. Adolescentes suit leur parcours depuis leur 13 ans jusqu’à leur majorité, cinq ans de vie où se bousculent les transformations et les premières fois. A leur 18 ans, on se demande alors quelles femmes sont-elles devenues et où en est leur amitié. A travers cette chronique de la jeunesse, le film dresse aussi le portrait de la France de ces cinq dernières années.

Critique :

Subtil tour de force naturaliste, dénué de tout sensationalisme ou même voyeurisme putassier, #Adolescentes est une expérience aussi dense et captivante que tendre et douloureuse, une évasion précieuse et solaire sur l'adolescence, entre fougue bouillante et résignation mature. pic.twitter.com/egaSsfXqvP
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) September 8, 2020

Sans forcément grossir le trait de la comparaison facile (on le fait toujours, inconsciemment ou non, même si parfois la pertinence du procédé peut échapper), il y a comme un formidable vent " Linklaterien " qui s'échappe du nouvel essai du talentueux Sébastien Lifshitz, Adolescentes, projet aussi férocement ambitieux que profondément casse-gueule, visant à dessiner les affres mystérieuses de l'adolescence par le prisme d'un regard gargantuesque : cinq années dans la vie de deux adolescentes made in Corrèze, de leurs treize ans à leur majorité.

Mais si le papa de la trilogie des Before lui a préféré aborder la question via un versant fictionnel, Lifshitz lui mise sur la pureté et l'authenticité vivante du réel, via un documentaire immersif uniquement aperçu à travers le regard d'Anaïs et Emma, entre repères spatio-temporels inscrit dans le bitume de son époque (les attentats de Charlie Hebdo, les tueries du Bataclan, le désespoir politique et social passé les élections présidentielles 2017,...) et balises plus intimes (la scolarité et ses inquiétudes, les incertitudes sentimentales, les accidents de la vie,...).
Jamais plomber par sa structure (un portrait uni qui se transforme à mi-parcours, en un montage en parallèle tout aussi passionnant), à la fluidité temporelle étonnante mais surtout tellement ancrée dans le quotidien de ses sujets et de leur entourage, que la caméra semble totalement invisible dès la première bobine, Adolescentes raconte sans phare et avec une délicatesse rare, la vie de deux filles aussi différentes que complémentaires, leur transformation au fil du temps, d'une quête progressive vers la maturité aux assimilations plus ou moins forcées des codes de leur génération (les réseaux sociaux, etc), en passant aux inévitables confrontations parentales (les conflits mères/filles vehiculent des moments de vérité extrêmement forts).
Une évolution au fil des circonstances et de la vie, dans ce qu'elle a de plus simple et complexe à la fois, sans forcément donner de réponses aux interrogations/incertitudes de ses héroïnes, ni même se priver de capter leurs errances furieusement cinematographiques et si typique de cet entre-deux âge de tous les possibles, ou rien n'est gravé dans le marbre de la vérité, et où tout est à découvrir.

Subtil tour de force naturaliste (sans jamais tomber dans la facilité du voyeurisme abject ou même orchestré) dénué de tout sensationalisme putassier mais avec un ascendant politique criant de verité (l'opposition involontaire entre les deux classes sociales des héroïnes, qui vient justement ce juxtaposer sur leur construction en tant qu'adultes), Adolescentes est une expérience aussi dense et captivante que tendre et douloureuse, se voulant comme une évasion divertissante, précieuse et solaire sur l'adolescence au féminin, entre fougue bouillante et résignation mature.
Une merveille, rien de moins.

Jonathan Chevrier