Breaking News

[CRITIQUE/RESSORTIE] : Chantons sous la pluie


Réalisateurs : Stanley Donen et Gene Kelly
Avec : Gene Kelly, Donald O'Connor, Debbie Reynolds, Jean Hagen,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Comédie musicale.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h43min.

Date de sortie : 11 septembre 1953
Date de ressortie : 1er juin 2022

Synopsis :
Le film fait partie de la sélection Cannes Classics 2022.

Les films muets laissent place aux films parlants - et le danseur devenu chanteur est lui aussi pris dans cette transition compliquée, tout comme son ami, sa petite amie et sa désagréable co-star.



Critique :


À une heure où l'industrie du cinéma est en constante (r)évolution, poussant même plusieurs " spécialistes " à théoriser sur sa possible mort entre les mains écrasantes d'un streaming de plus en plus imposant, il est sain de donner un coup de rétroviseur vers le passé pour réaliser qu'il y a toujours eu d'hypothétiques menaces/évolutions auxquelles il a eu à faire (la 3D, la télévision,...) et qu'il a continuellement résister à celles-ci, même face à la plus effrayante d'entres-elles : le son.
S'il est difficile voire même incroyablement lunaire de se dire que ce qui occupe désormais l'exacte moitié de toute expérience sensorielle avec le septième art, pouvait être considéré il y a près d'un siècle comme ce qui en provoquerait le glas, le son aurait tout de même envoyé sur le carreau plus d'un talent, au moment où parler à l'écran allait devenir une banalité.
Et c'est justement cette anxiété qui est au coeur du chef-d'oeuvre de Stanley Donen et Gene Kelly, Chantons sous la pluie, dont la ressortie ne fait que démontrer - si besoin était - qu'il est non seulement l'une des meilleures comédies musicales jamais mise en scène, mais aussi et surtout une formidable comédie burlesque aux dialogues ciselés.
Expérience profondément exubérante et magique, sorte d'antidote intemporel contre le blues incarnant - sans doute - les 102 minutes les plus agréables jamais conçues pour une salle obscure, cette pépite de l'âge d'or Hollywoodien à l'enthousiasme terriblement communicatif nous ramène au coeur des années 20 lorsque l'industrie cinématographique abandonne le cinéma muet au profit du parlant.

© 1952 - MGM

Ce qui contraint deux chouchous stars du grand écran, Don Lockwood et Lina Lamont, qui s'aiment à l'écran autant qu'ils se détestent une fois les caméras éteintes (une alchimie électrisante qui nourrit totalement leur aura populaire auprès du public), à devoir suivre une mode qui bouleverse tout autant qu'elle ne sied guère à la voix de la seconde, pas du tout cinégénique - pour être poli - mais aussi au jeu exagéré du premier.
Une projection test de leur dernière collaboration en date - The Dueling Cavalier -, pas aidé par un son mal synchronisé, provoque hilarité et moquerie de la part du public, poussant le tandem, à l'aide du meilleur ami de Don, Cosmo, à repenser le film en le faisant devenir une comédie musicale tout en y ajoutant des numéros de danse - devenant ainsi The Dancing Cavalier.
Mieux, ils permettent à Lina de passer de l'ère du muet au parlant en laissant la petite amie de Don, Kathy, doubler sa voix.
Mais bien sûr, les choses ne vont pas se dérouler d'une manière aussi simple...
Mise en images ludique et légère d'une période trouble (étonnamment propice à l'humour dans sa mise en perspective d'une technique encore difficilement maîtrisée, notamment dans l'utilisation des dameux micros) où la mutation opéré par l'industrie à laissé plus d'une vie incapable de faire cette transition, sur le carreau (pour preuve, Charles Chaplin était si méfiant envers ce progrès qu'il continua même à faire des films muets après que pratiquement tout le monde eut capitulé face à la nouvelle technologie), autant qu'il égratigne avec un brin de cynisme l'ego des stars hollywoodiennes, Chantons sous la pluie se fait avant tout la démystification d'une septième art basé sur l'illusion, sa manière de tromper parfois par de petites touches légères son auditoire, pour mieux le faire rêver.

© 1952 - MGM

Même ici l'illusion de l'entreprise est intact : pour une comédie musicale, c'est finalement la maestria des séquences dansées qui surplombent celles chantées, aussi mémorables soient-elles (Make 'Em Laugh, You Are My Lucky Star et l'immortel Singin' in the rain en tête), que ce soit l'incroyable interprétation défiant la gravité d'O'Connor, où l'ode inoubliable à la naissance d'un nouvel amour de Kelly, chantant, dansant et s'éclaboussant sous la pluie dans une expression parfaitement tangible de ses émotions si particulières que nous ressentons tous lorsque nous avons la joie de tomber amoureux.
Porté par un sentiment d'émerveillement tellement pur qu'il paraît presque enfantin, une exubérance innocente véhiculée par les partitions grandioses de Gene Kelly, Donald O'Connor et Debbie Reynolds, porté une intelligence et une sophistication rares pour le genre; Chantons sous la pluie déborde d'amour pour le cinéma et la création cinématographique, et incarne un régal pour les yeux autant que pour le coeur.
Un chef-d'oeuvre, rien de moins.


Jonathan Chevrier


Aucun commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.