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[CRITIQUE] : Le Mariage de Verida


Réalisatrice : Michela Occhipinti
Acteurs : Verida Beitta Ahmed Deiche, Amal Saad Bouh Oumar, Aichetou Abdallahi Najim, Sidi Mohammed Chighaly,...
Distributeur : KMBO
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Italien
Durée : 1h34min

Synopsis :
Verida est une jeune femme mauritanienne. Elle partage sa vie entre son travail d'esthéticienne dans un salon de beauté et les sorties avec ses amies. Un matin, sa mère lui annonce qu'elle lui a trouvé un mari. Commence alors la tradition du gavage, on lui demande de prendre du poids pour plaire à son futur mari. Alors que le mariage approche, Verida a de plus en plus de mal à supporter cette nourriture en abondance, le changement de son corps et l’idée de se marier avec un homme qu'elle n’a pas choisi.



Critique :



Le corps des femmes est un outil d’oppression, un peu partout dans le monde. Il est aussi un sujet d’actualité en Occident, surtout dans un grand pays de l’ouest, où certains états ont décidé de retirer aux femmes un choix quant à leur corps, à leur maternité. Après un documentaire Letters from the Desert, la réalisatrice italienne Michela Occhipinti se penche vers la fiction avec Le mariage de Verida. Elle s’est rendue plusieurs fois en Mauritanie, pays au nord de l’Afrique et y a appris une tradition, directement liée au corps de la femme, sur le point de se marier. Le gavage a pour but de faire prendre du poids rapidement à la future mariée pour plaire à son mari. Pour cela, on leur fait avaler dix repas par jour, ou plus. Dans le cas qui nous intéresse, Verida a trois mois pour prendre une vingtaine de kilos pour un homme qu’elle ne connait absolument pas.


Les diktats de beauté vont toujours dans un seul sens, plaire aux hommes et passent le plus souvent par la nourriture. Ils changent, selon l’époque et les pays. Grosse, mince, forte ou petite poitrine, des formes ou non, des fesses ou non. Le corps féminin est jugé, changé, modelé pour plaire. Cela va de paire avec une certaine forme de violence, que l’on s’inflige soi-même, ou qu’on se laisse infliger par les autres. Perdre ou prendre du poids en si peu de temps est dangereux, ce que nous sommes prêt.es à faire pour toucher au but l’est tout autant.
Pour son film, Michela Occhipinti a su habilement contourner le cliché de l’occidentale tournant un film sur une pratique qui nous paraît bizarre en Afrique. Elle s’est, tout d’abord, gardée de tout jugement. Pour cela, elle a tourné Le Mariage de Verida avec un style documentaire. La caméra ne délaisse jamais l’actrice, la suit au plus près de sa vie, n’hésite pas à faire des gros plans, à montrer les détails de son environnement. La réalisatrice a fait de nombreuses recherches, a pris des acteurs et actrices non-professionnel.les qui lui ont sans doute apporter la nuance nécessaire pour ce genre de film.


Avec un sujet pareil, il est facile de se montrer moralisatrice. Le mariage de Verida ne l’est pas, pour une raison très simple : la nuance. En plus de Verida, qui subit le gavage mais qui n’ose pas se rebeller contre sa famille qu’elle aime, le film nous montre plusieurs figures de femmes différentes. Elles sont pleines d’auto-dérisions, rient, et prennent leur vie en main. Certaines se plient à la tradition, d’autres la refusent, d’autres s’en amusent, divorçant, se remariant à leur gré. Tout n’est pas tout blanc ou tout noir. Amal par exemple, la meilleure amie de Verida, qui semble plus libre qu’elle (par ses goûts musicaux, ses lectures, son envie de partir au Caire faire des études) subit aussi une pression : elle essaye de se blanchir la peau à l’aide de crème pas toujours de bonne qualité, ni bonne pour la peau.
L’émancipation de Verida, et sa libération de cette tradition ne se fera pas par rébellion. Pas de grand discours à sa mère, pas (ou peu) de cris, de larmes. Occhipinti la filme de manière métaphorique, oubliant complètement le réalisme de sa mise en scène jusqu’alors, elle ouvre enfin la porte du classicisme dans lequel elle avait enfermé son film pour un onirisme touchant. Car oui, Le mariage de Verida porte en lui un gros problème : un manque cruel de cinéma. Au moment même où nous avions perdu tout espoir de voir autre chose qu’un récit linéaire, la réalisatrice prend un risque. Mais il ne dure que dix petites secondes, beaucoup trop tard pour ressentir l’émotion, la gravité de cette dernière séquence.


A travers un récit tirant sur le documentaire, Michela Occhipinti filme la remise en question d’une jeune femme aux traditions misogynes qu’on lui impose sur son propre corps.


Laura Enjolvy


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