[CRITIQUE] : Le Piège de Huda

Réalisateur : Hany Abu-Assad
Acteurs : Maisa Abd Elhadi, Manal Awad, Ali Suliman,...
Budget : -
Distributeur : Destiny Films
Genre : Thriller, Espionnage.
Nationalité : Palestinien, Égyptien, Qatari, Hollandais.
Durée : 1h30min

Synopsis :
Reem, une jeune mère mariée se rend au salon de coiffure de Huda à Bethléem, en Palestine. Après avoir mis Reem dans une situation déshonorante, Huda la fait chanter et la contraint à donner des renseignements aux services secrets israéliens, et ainsi à trahir son peuple. Dans la nuit, Huda est arrêtée par Hasan, membre de la résistance… mettant en danger la vie de Reem et de sa famille.

Critique :

Dépouillé et un poil trop volubile pour son bien - et celui de sa tension -, #LePiègeDeHuda se fait une mise en abîme percutante et complexe dans la vie d'une Palestine fracturée et sous occupation, captée au travers d'une dynamique victime/bourreau au feminin joliment complexe. pic.twitter.com/BxaP4XjKzM
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) February 3, 2023

Il y a un parallèle certainement involontaire mais surtout sensiblement fascinant dans le fait que, tout comme Tel Aviv - Beyrouth de Michale Boganim - également en salles depuis mercredi - et bien d'autres péloches depuis quelques années maintenant, le nouveau long-métrage du cinéaste Hany Abu-Assad (inspiré de faits réels), Le Piège de Huda, s'attache aux conséquences catastrophiques des décisions des gouvernements israéliens et/où palestiniens, à travers le regard de femmes qui, au-delà des conflits inhumains qui s'éternisent, sont déjà victimes au quotidien d'une brutalité masculine aveugle et des affres d'un patriarcat tout aussi oppressant.
D'autant qu'il a le bon ton ici de ne pas jouer la carte de la charge vindicative en ne nommant jamais réellement les noms des forces armées en jeu (pour renforcer l'universalité du spectateur au coeur d'un monde bardé de conflits), même si la volonte d'incarner une mise en images de la réalité quasi-documentaire de la vie au coeur de Bethléem, ne laisse aucun doute quant aux pouvoirs politico-militaires en place.

S'il ne retrouve jamais vraiment la puissance anxiogène qu'il dégaine dans son incroyable ouverture (qui voit Reem, une jeune mère de famille mariée à un homme jaloux, se faire piéger par une autre, Huda, qui la menace de travailler pour la police secrète israélienne où d'être dénoncée pour trahison - voire pire -, avant qu'elle-même ne se fasse prendre à son propre piège en se faisant arrêtée par Hasan, membre de la résistance), le film, gentiment logé entre le thriller tendu et so Hitchcockien (où des individus lambdas se voient catapultés au coeur de missions gouvernementales mettant directement en jeu leur vie et celles de leurs proches), le film d'espionnage et la tragédie socialo-intime, se fait un douloureux portrait d'une victime et d'un bourreau lui-même victime, deux âmes tiraillés dans leurs propres contradictions (comme leurs nations) et prisent dans l'engrenage de la trahison imposée par un régime oppressif et contradictoire, qui manipule sournoisement leur quête (impossible) de liberté et d'émancipation.
Totalement dépouillé, de sa mise en scène à son cadre (qui se résume à une poignée de lieux) mais peut-être un poil trop volubile pour son bien - et celui de sa tension -, Le Piège de Huda n'en reste pas moins une mise en abîme percutante et complexe dans la vie d'une Palestine fracturée et sous occupation.

Jonathan Chevrier