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[CRITIQUE] : Conjuring : Sous l’emprise du diable


Réalisateur : Michael Chaves
Acteurs : Patrick Wilson, Vera Farmiga, Ruairi O'Connor,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h52min.

Synopsis :
Conjuring : sous l'emprise du diable retrace une affaire terrifiante de meurtre et de présence maléfique mystérieuse qui a même ébranlé les enquêteurs paranormaux Ed et Lorraine Warren, pourtant très aguerris. Dans cette affaire issue de leurs dossiers secrets – l'une des plus spectaculaires – , Ed et Lorrain commencent par se battre pour protéger l'âme d'un petit garçon, puis basculent dans un monde radicalement inconnu. Ce sera la première fois dans l'histoire des États-Unis qu'un homme soupçonné de meurtre plaide la possession démoniaque comme ligne de défense.



Critique :


Force est d'avouer qu'aussi efficace soient-ils (enfin, les deux premiers opus de James Wan et le second Annabelle de David F. Sandberg), les films de la saga Conjuring se sont toujours inscrit dans une vision binaire du monde, ou l'existence du mal et du surnaturel n'est jamais remise en cause; une vision simpliste voire presque totalement déconnectée des complications de notre réalité, mais de facto furieusement cinématographique puisque facilement exploitable au travers des codes familiers du genre horrifique (lieux/objets hantés, adorateurs du diable etc..).
Que le troisième film de la trilogie mère, mais officiellement huitième film de la saga, désormais échoué à Michael Chaves, s'aventure dans quelque chose de plus tangible via un fait divers marquant et médiatisé (Arne Cheyenne Johnson, qui tua le propriétaire de son logement en 1981, Alan Bono, avant de plaider la « possession démoniaque » à son procès), offrait dès lors un virage intéressant à une franchise à bout de souffle depuis dès lustre.

Copyright 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved. / Ben Rothstein

Intéressant non pas dans ses possibilités horrifiques spectaculaires (amoindrie sur le papier, avec l'absence de Wan), mais bien dans le sens où une horreur tangible mais commune - un meurtre de sang froid - se juxtapose cette fois à un surnaturel réellement supposé - la défense du coupable -, et à une croyance - l'existence du diable - confrontée autant aux limites de la foi religieuse (dans un pays majoritairement chrétien) que celles de la justice (qui, institutionnellement, reconnaît la religion chrétienne et tout ce qui figure dans la bible).
Mais la vérité du scénario n'est jamais totalement celle de l'écran, et Conjuring : Sous l'emprise du Diable ne fait que survoler ses nombreux questionnements idéologiques - donc tout son intérêt un minimum original -, pour mieux se perdre entre le frisson d'épouvante générique et le crossover malade entre Law and Order et Prison Break (avec des scènes d'Arne en prison qui sont d'un ennui abyssale, interrompant le rythme plus ou moins fluide de la narration à chaque fois), que même son petit tour complet du guide Michelin de la flippe (les bois, une morgue et même un labyrinthe souterrain), ne parvient à sauver du gouffre.

Copyright 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved. / Ben Rothstein

Si la gestion de l'horreur dans les deux premiers films ne pétait jamais vraiment dans la soie de l'originalité, le panache formaliste de Wan parvenait avec brio à démontrer que même les tropes férocement poncés du genre, pouvaient paraître réellement rafraîchissant; le hic c'est que Chaves n'a ni le sens du style ni même le talent formel pour en faire de même, et lorsqu'il singe de façon éhonté son illustre aîné (qui usait d'artifices techniques pour apporter de la profondeur autant à son histoire qu'à son cadre et à son atmosphère), rien ne dépasse jamais vraiment les bordures du clin d'oeil futile.
Ne perdant jamais vraiment de temps pour dévoiler son manque d'inspiration (dès son ouverture, certes spectaculaire mais à la révérence bien trop marquée à l'Exorciste) jusqu'à son final aussi chaotique que bruyant, le film n'est pas totalement dénué de qualité pour autant, quelques séquences s'avèrent aussi loufoques qu'efficaces (la scène de la morgue surtout, même si tout reste prévisible), et c'est un plaisir non feint de retrouver le tandem Patrick Wilson/Vera Farmiga, dont la puissance de leurs performances découle - comme toujours - autant de leur solennité inébranlable à l'épreuve de l'ironie, que de la magie émanant de leur alchimie incroyablement naturelle (sans oublier une superbe photographie de Michael Burgess).

Copyright 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved. / Ben Rothstein

Dérangeant dans sa narration (prendre clairement le parti pris que le meurtre d'Alan Bono a réellement été orchestré par un démon, donc l'excusant) tout en ne prenant jamais compte de la réalité (Arne Johnson a été condamné, ce que le métrage ne montre jamais, tout comme la brutalité de son meurtre, comme s'il ne voulait pas pervertir son capital sympathie), redéfinissant dès lors la définition " inspiré de faits réels " (comprendre : grosses libertés artistiques), le film dénigre la recette même de la franchise, tant les Conjuring n'ont jamais été aussi pertinents que lorsqu'ils ont joué sur la paranoïa s'immiscant dans des espaces domestiques censés être sûrs pour une famille, peu à peu empoisonnée par le mal.
Cette fois, il tente maladroitement de fixer son attention sur un boy next door en insistant sur le fait qu'il est inimaginable qu'il puisse tuer de sang froid quelqu'un sans que quelque chose de surnaturel ne tire les ficelles; hors le pays de l'oncle Sam nous a trop de fois démontrer que c'est un acte qui est tout sauf inimaginable, et même bien trop présent dans la case fait divers.

Copyright 2021 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved. / Ben Rothstein

Mais pire que tout, malgré toute sa religiosité sinistre, le film déçoit c'est parce qu'il manque cruellement d'âme et la vraie question à propos de la franchise est désormais de savoir non pas ou elle va bien pouvoir aller aujourd'hui, mais bien combien de temps elle va rester au fond du gouffre des diableries banales.


Jonathan Chevrier



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