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[CRITIQUE] : 200 mètres


Réalisateur : Ameen Nayfeh
Acteurs : Ali Suliman, Anna Unterberger, Lana Zreik,...
Distributeur : Shellac
Budget : -
Genre : Drame, Aventure.
Nationalité : Palestinien, Jordanien, Qatarien, Suédois, Italien.
Durée : 1h37min

Synopsis :
Mustafa d’un côté, Salwa et les enfants de l’autre, une famille vit séparée de chaque côté du Mur israélien à seulement 200 mètres de distance. Ils résistent au quotidien avec toute la ruse et la tendresse nécessaires pour « vivre » comme tout le monde, quand un incident grave vient bouleverser cet équilibre éphémère. Pour retrouver son fils blessé de l’autre côté, le père se lance dans une odyssée à travers les checkpoints, passager d’un minibus clandestin où les destins de chacun se heurtent aux entraves les plus absurdes.



Critique :


Force est d'avouer que le premier long-métrage coup de poing du scénariste et réalisateur Ameen Nayfeh, 200 mètres, pourrait difficilement être plus d'actualité qu'aujourd'hui et ce, dans toute la tragédie incroyablement palpable et empathique qui l'habite, lui qui est fixé sur la vie en Cisjordanie sous l'occupation israélienne.
À la fois drame familial et road movie sous tension, le film fonctionne autant comme une observation accrue de la vie quotidienne au coeur des Territoires occupés et les obstacles rencontrés par les familles séparées, que comme la chronique désespérée d'un homme dont le combat intime est le reflet d'une expérience collective inhumaine.
Soit l'histoire de Mustafa (Ali Suliman, tout simplement excellent, à la performance finement nuancée), un ouvrier du bâtiment, mari aimant et père de trois enfants, mais surtout un homme de principes, ce qui ne peut sensiblement peser sur son quotidien déjà compliqué.
Sa femme Salwa, vit avec leurs enfants dans un appartement à l'intérieur du mur séparant Israël des Territoires occupés, tandis que Mustafa vit avec sa mère à 200 mètres de l'autre côté, en Cisjordanie.

Copyright Shellac

Les deux appartements sont à porté de vue, les deux appartements sont infiniment proches et pourtant coincés dans deux mondes bien distincts.
Mais Mustafa refuse d'obtenir un permis pour vivre en Israël, alors que cela lui serait facile à faire en raison de sa situation matrimoniale (sa femme et ses trois enfants sont résidents israéliens), car cela reviendrait à reconnaître tacitement la validité de l'occupation.
Cela signifie que la vie de sa famille et la sienne sont uniquement ou presque, définies par la séparation, les réunions temporaires et beaucoup de temps passé à franchir les points de contrôle.
La plupart du temps, ces nombreux allers-retours sont une nuisance majeure, ce qui peut obliger Mustafa à faire la queue pendant des heures le matin pour entrer en Israël et aller travailler; mais vaut surtout au couple de nombreuses explosions, invariablement consumées par la tendresse réelle de leur relation.
Un samedi, à l'aube, alors qu'il traverse la frontière avec des centaines d'autres personnes pour aller travailler, Mustafa se fait dire par le gardien officieux que son permis a expiré et qu'il ne peut pas entrer en Israël.
Comme c'est le week-end, il ne peut pas renouveler son permis immédiatement, mais ayant besoin de travailler et surtout désireux de revoir sa famille, il se rend chez le passeur Nader, qui le facture environ 100 $ pour l'aider illégalement à traverser.
Mais tout bascule lorsqu'il reçoit un appel de Salwa lui disant que leur fils Majd, après un accident de voiture, est à l'hôpital du côté israélien, rendant sa traversée illégale particulièrement urgente...

Copyright Shellac

Sensiblement vissé sur le voyage périlleux d'un père courageux pour traverser une frontière qui devrait être accessible à tous, ou le danger est constamment contrebalancé par une tendre dynamique familiale; 200 mètres, emballé dans une photographie solaire d'Elin Kirschfink, est une plongée captivante et fascinante, démontrant avec une authenticité dévastatrice les moindres détails de la vie humiliante sous l'occupation.
Un poil alourdi par quelques tropes/rebondissements évitables et artificielles (la présence d'une touriste allemande naïve et affreusement caricaturale, en tête), le film n'en est pas moins un uppercut tout en rage et en frustration, sur un conflit fiévreux dont nous sommes tous des témoins depuis de trop longues décennies.


Jonathan Chevrier



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