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[CRITIQUE] : A Regular Woman

Réalisatrice : Sherry Hormann
Avec : Almila Bagriacik, Aram Arami, Jacob Matschenz,...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Allemand.
Durée : 1h36min

Synopsis :
Hatun " Aynur " Sürücü est contrainte de quitter son école de Kreuzberg à l'âge de 16 ans afin d'épouser un cousin à Istanbul. Aynur passe du contrôle de son père à celui de son mari. Enceinte, elle se rebelle et quitte son époux violent. Elle retourne dans sa famille à Berlin qui vit sa fuite comme un déshonneur. Son enfant sous la bras, elle trouve refuge dans un centre maternel. Son émancipation et son envie de liberté deviennent alors une sorte de crime d'honneur pour la police fédérale allemande...




Critique :


Il y a des films coup de poing qui marquent, autant de par sa qualité ineffable que par la rigueur dont il exploite son sujet ou même son intention de frapper son auditoire là où ça fait mal, et d'imprimer durablement les rétines.
Sans contestation possible, la très rare cinéaste allemande Sherry Hormann est coutumière du fait, et son dernier long en date, se veut dans la même lignée réaliste que ses excellents Desert Flower (basé sur les mémoires de Waris Dirie, et qui traitait des mutilations génitales féminines) et Silent Shadows (la relation intense d'un couple de longue date fraîchement marié). 
Basé sur une tragédie bien réelle, A Regular Woman dramatise avec puissance la courte vie et la mort violente de Hatun «Aynur» Sürücü (Almila Bagriacik, excellente), une femme turque dont la famille musulmane pieuse a émigré à Berlin et qui fut mariée de force à Istanbul à l'âge de seize ans, avec l'un de ses cousins.

Copyright Mathias Bothor

Après s'être échappée - enceinte - de son mari, elle est retournée chez elle en Allemagne pour vivre dans la disgrâce divorcée, jusqu'à ce qu'elle fasse le choix de rejeter la foi très centrée sur les hommes, dans laquelle elle a été élevée.
Elle et son nouveau-né ont emménagé dans leur propre maison et pendant plusieurs années, Aynur a étudié pour devenir électricienne et, au grand dam de sa famille, a participé à la scène sociale très libérée de Berlin.
L'embarras bouillonnant des Sürücüs atteindra finalement son apogée en février 2005, lorsque le plus jeune frère d'Aynur l'a assassinée devant son appartement.
Il est rapidement apparu qu'il s'agissait d'un crime d'honneur destiné à aider la famille à sauver la face de sa communauté...
Ne laissant peu de suspense sur le sort de son héroïne (la mort d'Aymur est annoncée dès la première bobine), emballé dans un ton clinique qui donne la sensation de faire face à un docu-vérité implacable (avec des vraies images d'Aynur, montrant les conséquences - et pas seulement au sein de sa propre famille - de vouloir être une femme ordinaire qui osait penser et vivre pour elle-même), A Regular Woman se veut comme un effort décidé à (re)donner une voix à sa victime (une femme courageuse qui, tout en rejetant la lecture stricte de l'islam fait par sa famille, les aimait trop pour rompre complètement le contact, ce qui mènera cruellement à sa perte), en en faisant autant membre actif des événements qui ont conduit à sa mort, et passif en les commentant avec recul.

Copyright Mathias Bothor

Un parti pris stylisé et osé comme son ouverture (qui annihile son émotion déchirante en empêchant de la laisser émerger organiquement avant d'exploser dans le final), qui est autant louable qu'il pose un problème majeur : si c'est une chose de donner la parole aux victimes, s'en est une toute autre que de mettre des mots dans la bouche de personnes qui ne sont plus en mesure de parler pour elles-mêmes, tout en laissant penser que l'on à un accès sans équivoque aux pensées mourantes de la victime - ce qui tranche clairement avec sa vision méticuleuse de cette tragédie.
Si cela peut susciter un certain retrait face au film, il n'en reste pas moins une tentative sérieuse dont il faut retenir l'essentiel : pointer du bout de la caméra des drames terribles vécus par les femmes au quotidien à travers le globe, sans que l'on n'y fasse quoi que ce soit...


Jonathan Chevrier


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