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[SƎANCES FANTASTIQUES] : #40. The Texas Chainsaw Massacre

Copyright VORTEX INC. / KIM HENKEL / TOBE HOOPER © 1974 VORTEX INC. Tous droits réservés.

Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'œuvres de la Hammer que des pépites du cinéma bis transalpin, en passant par les slashers des 70's/80's ; mais surtout montrer un brin la richesse des cinémas fantastique et horrifique aussi abondant qu'ils sont passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !


#40. Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper (1974)

Sorti en 1974 aux États-Unis, Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper a été interdit de salles en France, jusqu’en 1982. Il est vrai que le film avait acquis (et a toujours d’ailleurs) la réputation d’un film difficilement regardable, cruel, gore, dégoûtant. Ce rejet a bien sûr fait de l’oeuvre une entité, à la popularité jamais égalée. Deuxième long métrage de Tobe Hooper, le film devient donc un classique, un chef-d’oeuvre intemporel qui a marqué de fer rouge sang le genre du slasher, s’inscrivant dans un climat politique fort. Qu’est-ce qui fait de Massacre à la tronçonneuse un incontournable ? Son sujet, basé sur des faits réels ? L’expérience éprouvante qu’il demande aux spectateurs ? Le contexte politique dans lequel il a jaillit ? Son faible budget, qui a demandé beaucoup de créativité ? Peut-être tout cela réunit.

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Dans un cimetière, des morceaux de squelettes jaillissent de tombes profanées, alors que le soleil se lève sur le Texas, un soleil rouge, qui ne réchauffe pas mais souligne le cimetière d’une aura mortifère. Pendant que les États-Unis éclatent à cause du scandale du Watergate, le jeune Tobe Hooper réunit une petite équipe pour réaliser un film d’horreur basé sur la vie d’Ed Gein, un célèbre serial-killer qui a sévi dans les années 50. Un budget minuscule lui est alloué (140 000 dollars) et de gros problèmes pendant le tournage (problème d’odeur à cause des abattoirs et un accident de tronçonneuse, entre autres) font du film un sujet de discussion bien avant sa sortie. Nous suivons cinq jeunes gens, qui ont pris la route dans un minivan pour retrouver la maison abandonnée familiale de Sally et de son frère Franklin. Ils rencontrent un mystérieux auto-stoppeur, l’occasion d’ancrer l’histoire dans un réalisme social, avec la description d’un village du Sud miné par le chômage et la crise économique. Un Texas désert, où seul reste la famille Sawyer, raison du cauchemar dans lequel vont périr nos cinq amis. Sans le savoir, ils ouvrent leur porte au mal. Un mal à l’opposé du rêve américain, celui qui a touché le fond et qui en fait sa résidence. Nous sommes face à un monde en pleine mutation, qui gangrène aussi bien le récit que le film lui-même. Massacre à la tronçonneuse s’inscrit alors dans un nouveau cinéma, celui d’un réalisme radical que l’on peut rapprocher de Délivrance (1972) de John Boorman ou même de Black Christmas de Bob Clark, sorti lui aussi en 1974.

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Même si le sujet du cannibalisme suffit en lui-même à nous faire frissonner, c'est la mise en scène intelligente de Tobe Hooper qu’il faut souligner, tant elle participe à créer le mythe. Elle distille une atmosphère poisseuse, une sensation de chaos en sourdine, comme si l’équilibre était fragile, sur le point de basculer sans retour en arrière possible. Nos cinq protagonistes ne peuvent qu’avancer, sur la route tout d’abord, puis sur le sentier les menant à la maison fatidique, leur dernière demeure. Seule Sally, la final girl, se risquera à partir dans le sens inverse, où se situe la sécurité pense-elle. En vain, l’issue n’a jamais existé et Sally semble elle-aussi contaminée par la malédiction de ses amis. Tobe Hooper n’hésite pas à approcher sa caméra, pour des extrêmes gros-plans, capter la terreur insoutenable de Sally. À l’inverse, sa caméra permet aussi des plans très larges, qui enferme ses personnages en contre-plongée, la maison prenant alors tout le cadre et rendant les protagonistes minuscules. Un travail minutieux du décor joue d’autant plus sur le climat oppressant et accompagne parfaitement la chose la plus réussie et qui à lui seul légitime le statut culte du film : le son. Il n’existe presque pas de musique dans Massacre à la tronçonneuse, alors que nous savons qu’elle est souvent essentielle pour créer un climat angoissant. Ici, la musique est remplacée par des bruits assourdissants : celui du groupe électrogène, synonyme du danger à venir, celui de la tronçonneuse tenu par Leatherface et celui du cri interminable de Sally, qui nous accompagne de la moitié du film jusqu’au tout dernier plan. Il n’y a pas plus terrifiant qu’un son qui imprime notre peur dans le concret, celui d’une tronçonneuse constamment en marche et le cri de l'éternelle victime qui tente de lui échapper.

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Après cette longue course-poursuite vient une séquence d’anthologie, celle qui a donnée les cauchemars les plus horribles à ceux et celles qui se sont risqué.e.s de voir le film. La scène du repas s’étire dans la longueur et devient vite insoutenable. L’insalubrité de la maison, couplée au sens du grotesque de cette famille, avec les cris de Sally en font une scène des plus marquantes. La folie est poussée à son paroxysme, le montage s’affole et insiste sur les détails, mettant nos nerfs à rude épreuve. Le grotesque arrive à un point culminant, quand le grand-père est invité à faire couler le sang, tentative désespérée de revivre un passé glorieux. Une tentative qui échoue lamentablement.

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Cauchemar intemporel, Massacre à la tronçonneuse reste une oeuvre terrifiante, un film brutal, où la violence sous-jacente et suggérée parvient à créer un profond malaise, celui d’une Amérique du chaos, où plus rien n’est tangible. Reste un plaisir esthétique sans égal, où le mal s'érige dans les os d’un passé glorieux.


Laura Enjolvy 











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