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[FUCKING SERIES] : The Crown saison 4 : Et ils ne vécurent pas heureux ...


(Critique - avec spoilers - de la saison 4)


La couronne d’Angleterre a toujours engendré beaucoup de fascination. La famille royale se déguste comme un bon feuilleton du dimanche soir. Les frasques, les amourettes, les trahisons, les deuils façonnent leur histoire et assoient leur popularité. Peter Morgan et Netflix ont bien compris cet attrait et ont agi en conséquence : ils nous ont donc proposé une série sur la reine Élisabeth II et ses proches, de son accès au trône en 1952 à ses vieux jours. The Crown est devenue le rendez-vous immanquable de fin d’année et cette quatrième saison, hautement attendue, ne fait pas exception. Se basant sur les années 80 cette fois, la série voit apparaître des personnages phares de cette période, notamment Lady Diana et la Première Ministre Margaret Thatcher, deux figures féminines qui ont marqué le pays et plus largement le monde au côté de la Reine. Entre mariage, trahison et politique de fer, la saison 4 nous emmène dans une sombre décennie. Après une troisième saison considérée plus faible que les autres, nous retrouvons ce casting pour la dernière fois. En effet, ellipses obligent, les personnages changent d’interprètes après deux saisons pour garder une cohérence évolutive. Claire Foy ayant officié les deux premières saisons, qui abordaient entre autres, couronnement, crise d’après-guerre et naissance de ses héritiers, Olivia Colman avait repris le flambeau, pour fêter le jubilé d’argent d’Elisabeth. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, Imelda Staunton sera la dernière actrice à interpréter la Reine, qui a fêté ses quatre-vingt-quatorze ans en avril dernier.


Copyright Netflix

The Crown ne déçoit pas. La saison 4 tant attendue, nous conte le mariage désastreux du prince de Galles, avec Diana Spencer, un aspect dramatique de la famille royale, qui a fait couler beaucoup d’encre. Connaissant la fin tragique de la princesse de Galles, il était intéressant de voir comment Peter Morgan allait aborder ce passage controversé, tout en abordant les nombreux événements politiques marquants de ces années, qui s’étend de la fin 1977 au début de l’année 1990. Elisabeth partage cette fois les feux des projecteurs, trois figures de proue dans une saison haute en couleur. Et c’est avec le sens du détail qui a participé à son succès que la série nous montre un anti-conte de fée. Une princesse maudite, une sorcière au pouvoir et une belle-mère glaciale. La saison ne se départit pas de son rythme trépidant de péripéties (malgré l’impression de longueur façonnée par de longs plans structurés), grâce à des montages alternés qui font monter la pression. Il faudra cependant attendre la prochaine saison pour que soit abordé le divorce tumultueux des époux royaux et la mort soudaine de Diana, mais nous pouvons voir d’ores et déjà le désastre de leur rencontre, de leur mariage et de leur relation. 

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Lady Di, l’authenticité

La saison 3 nous l’avait déjà révélé, Charles (Josh O’Connor magistral) est amoureux de Camilla Shand. Mais leur amour est impossible, la belle ne plaît pas aux Windsor. Étant l’héritier du trône, Charles ne peut se permettre de faire un mauvais mariage. Réfractaire tout d’abord de se lier à une femme dont il ne partage aucun sentiment, c’est l’assassinat de Lord Moutbatten (au premier épisode), père de substitution du jeune homme qui le décidera. Son choix se porte alors sur la jeune Diana, tout juste dix-huit ans quand il la rencontre pour la première fois. Filmé comme un jeu du chat et de la souris, Diana en costume shakespearien se cache du regard de Charles, désireux de découvrir un visage derrière cette voix douce et timide. Par son rang et son âge (dix-sept ans son aîné), Charles fascine la jeune femme, écrasée par sa famille qui la traite comme une femme de ménage, une moins que rien. Mais la consécration en tant que membre de la famille royale d’Angleterre a un prix. Buckingham Palace devient une prison dorée pour la jeune femme, elle est une proie face au monstre sacré de la Couronne. Un poids trop lourd pour les épaules de cette jeune femme, dont la seule faiblesse est de ne pas avoir vu les signes avant coureur du désastre. Mais la féerie tant attendue devient cauchemar, à l’image du troisième épisode intitulé justement Conte de fée. Seule, elle déambule dans les longs couloirs du palais, en attente de son prince, trop occupé à batifoler avec Camilla. La série a l’intelligence de raconter cette tragédie avec toute la nuance requise. Charles, malgré son comportement égoïste, est aussi une victime du protocole royal, où la liberté n’a aucune place. Broyé par le système, il préfère s’en prendre à sa femme plutôt qu’à sa mère, être inaccessible, froid et autoritaire. Le couple se détruit alors, Charles mettant son pouvoir en avant, la fait passer pour folle, tandis que Diana souffre de TCA (trouble du comportement alimentaire). Personnalité jeune et influençable, The Crown peint le portrait émouvant d’une femme entière, seule membre à laisser paraître ses émotions. Une authenticité qui plaît au public et aux spectateurs de la série, elle offre une lumière tendre parmi la rudesse royale, interprétée par Emma Corrin, éblouissante. 

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Thatcher, la pugnacité

Face au problème du couple, Peter Morgan s’intéresse également à celle qui a profondément changé l’Angleterre dans les années 80 : Margaret Thatcher. Figure aussi admirée que détestée, nous attendions tous avec une impatience non contenue la prestation de Gillian Anderson. Si l’écriture fine parvient à nous faire accepter une interprétation plus humaine et nuancée, l’actrice phare de The X-Files n’arrive cependant pas à rendre crédible la dame de fer à nos yeux. La série, qui pourtant pousse ses acteurs et actrices à incarner les personnages plutôt qu’à les mimer, n’atteint pas le niveau attendu, au-delà du phrasé particulier de la Première Ministre et nous donne à voir une simple parodie du personnage, lui refusant toute ampleur. Parfois, l’actrice s’oublie et nous offre une prestation digne de ce nom (dans les épisodes 4 et 8), mais l’ensemble de sa prestation lui fait cruellement défaut, devenant la seule ombre au tableau d’une saison de haute volée. L’intimité que nous montre The Crown permet de voir l'entièreté de Thatcher, dans sa complexité et ses défauts. Dirigeante du parti conservateur, elle montre une certaine vision de la femme (épouse et mère), tout en travaillant d’arrache-pieds. Elle garde alors la notion d’exception, considérant les femmes comme des êtres trop émotifs pour avoir un travail à haute responsabilité. Elle essaye de trouver l’équilibre parfait entre prouver qu’elle est autant capable qu’un homme tout en s’arrangeant pour qu’aucune autre femme ne puisse avoir accès au pouvoir. Il nous est drôle de voir la femme la plus puissante du pays, discutant d’affaires politiques urgentes et délicates tout en préparant un bon petit plat pour ses ministres. La confrontation de cette détermination face à la froide autorité de la reine Elisabeth II devient une des relations les plus intéressantes de la série. La monarque montre pour la première fois un désaccord profond avec une dirigeante. Si elle avait dû remettre à sa place Churchill en tout intimité, c’est par les médias qu’elle donne son opinion, allant au-delà de son propre principe apolitique. La pugnacité de Thatcher oblige ses collaborateurs à fomenter des coups bats, qui finiront par l’exclure du pouvoir.

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Princesse Margaret, la fragilité

La princesse Margaret est la grande oubliée de cette saison 4. Incarnée par Helena Bonham Carter, Margot est la figure rebelle de la famille. Celle qui a toujours su se battre, malgré les défaites. Celle qui a toujours tenu tête à sa sœur, monument d’autorité. Divorcée de Lord Snowdon depuis la dernière saison, elle vaque à ses occupations, mais demeure bien seule. Tombée malade à cause de sa grande consommation de cigarettes, elle décide d’arrêter tout excès pour se consacrer à ses devoirs royaux. Néanmoins, le protocole est une machine infernale, cruelle. La récente majorité du dernier né d’Elisabeth, Edward, oblige Margaret à laisser sa place. Elle découvre, dans l’épisode qui lui est consacré intitulé Le principe héréditaire, un terrible secret du côté de la famille de la Reine Mère Elisabeth, les Bowes-Lyon, des cousines présumées mortes enfermées dans un asile psychiatrique, cachées à la vue du monde, par honte et par peur. Margaret, qui a lutté toute sa vie, prend conscience de la monstruosité de la Couronne et comprend qu’elle ne pourra jamais la combattre. La figure belliqueuse qu’elle incarnait s’éteint alors, elle rend les armes à la fin d’un épisode déchirant. Dans sa résidence privée des Caraïbes, elle enlève son armure (maquillage, chignon serré), et s’efface. Un des derniers plans de l’épisode la montre pâle, devant un couché de soleil, seule devant sa piscine. Le soleil peine à éclairer son visage. La rebelle n’existe plus.

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Elisabeth, l’autorité

Si le personnage de Olivia Colman nous semble être en retrait par rapport aux autres saisons, celle-ci lui offre de quoi briller cependant. La série filme d’autant plus son intimité, qui nous montre l'étendue de sa tâche, rendue encore plus difficile par un plan économique radical. L’épisode cinq, Fagan, revient sur un événement mystérieux survenu dans la chambre de la reine. Un matin, elle est réveillée non pas par son thé habituel, mais par Michael Fagan, un peintre décorateur au chômage. Pour le showrunner, c'est un moyen intelligent pour montrer aux spectateurs les dommages causés par la dureté du plan Thatcher et donner la parole aux concernés. Le personnage devient le pont entre la famille Windsor, bien au chaud dans leur palais, et le monde extérieur, avec des habitants en colère. Cette intrusion sera bénéfique pour la suite de son règne et montre surtout une femme concernée par le sort de ses sujets. Malgré sa peur, elle prend le temps de s'asseoir et de lui parler, de l’écouter et fait preuve d’une humanité qui fait cruellement défaut aux services sociaux. The Crown convoque l’ensemble du système, l’infiniment grand et l'infiniment petit. Nous tenons le sel de la série, qui montre le conte de fée dans son entièreté : le côté lumineux, fausse perfection qui cache la réalité, Buckingham Palace est un lieu cruel où les illusions ne tiennent pas longtemps. Reste seulement la Couronne, seule lumière dans les ténèbres, à l’instar du générique.


Laura Enjolvy 
 


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