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[SƎANCES FANTASTIQUES] : #33. Candyman

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Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'œuvres de la Hammer que des pépites du cinéma bis transalpin, en passant par les slashers des 70's/80's ; mais surtout montrer un brin la richesse d'un cinéma fantastique aussi abondant qu'il est passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !


#33. Candyman de Bernard Rose (1992)


Impossible, pour tout conseil horrifique qui se respecte, de ne pas citer Candyman dans les premières recommandations, chef-d'oeuvre terrifiant et intemporel, fruit de la rencontre fantastique et houleuse, entre deux artistes aux sensibilités (et aux caractères) bien distinctes, mais surtout d'une compréhension habile de ce qu'est le sens même du mot peur : palpable et aussi envoûtante que profondément déstabilisante.
Cauchemar hybride tant il fait montre d'une double personnalité proprement fascinante, dont chaque parcelle de bobine ne fait qu'en renforcer la puissance et l'impact sur son auditoire, Candyman est avant toute chose les mots de Clive Barker couchés sur le papier : la nouvelle Liens interdits (publiée dans le Tome V des Livres de sang), que le brillant Bernard Rose (le merveilleux Paperboy), prendra tellement à coeur qu'il se l'appropriera pour mieux en transcender tous les ressorts et artifices.

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Exit les rues désespérées de Liverpool et les atermoiements du marchand de bonbons, gardien des légendes urbaines, bonjour Chicago et son contexte infiniment plus sombre et violent, au coeur du ghetto.
Flanqué dans la misère sociale de Cabrini Green, le croquemitaine n'est plus un gardien mais bien un mythe lui-même, Daniel Robitaille.
Soit un fils d'esclave, dont le père avait réussi à faire fortune grâce au brevet de l'invention d'une machine à fabriquer des chaussures.
Très doué artistiquement, notamment grâce à la meilleure éducation possible au coeur des meilleures écoles, il gagnait sa vie en portrayant de riches commanditaires, comme ce qu'il était censé faire en 1890, lorsqu'il fut mandaté par un riche propriétaire terrien, pour signer une peinture de sa fille encore vierge.
Le problème est que Daniel et son modèle nouèrent une idylle et la jeune héritière tomba enceinte, mettant en rogne son paternel, qui se vengera de cet affront de la plus féroce des manières qui soit : lynché puis mutilé, Daniel finira recouvert de miel et jeté en pâture aux abeilles, qui le piquèrent jusqu'à ce que mort s'en suive.

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Une fois incinéré, ses cendres seront répandus sur une terre désolée qui deviendra quelques décennies plus tard, le terreau du ghetto de Cabrini Green, théâtre des retours vengeurs du " Candyman ", s'attaquant majoritairement aux femmes et aux enfants, lorsque ceux-ci se hasardent à prononcer cinq fois son nom devant un miroir...
C'est dans ce contexte américain difficile, craquant le verni faussement crédible d'une société tolérante et civilisée, que Rose plaque le destin d'Helen Lyle, étudiante à l'université d'Illinois à Chicago, et mariée à Trevor, professeur dans cette même université, et regarde avec un désintérêt/dédain profond les études de son épouse et de sa meilleure amie Bernadette, qui rédigent une thèse sur les légendes urbaines et les croyances populaires.
Lassée par de nombreuses expériences infructueuses, Helen va vite être obsédée par le mythe de Candyman, une légende urbaine récurrente qui survit au coeur des murs de Cabrini Green, déjà gangrenée par la misère et la dure loi des gangs.
Entre scepticisme et fascination limite maladive, elle va devoir bientôt faire face au monstre lui-même, contraint à se montrer à nouveau pour relancer le mythe et renforcer la croyance/crainte que les habitants ont envers lui, en usant justement d'Helen...

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Sommet d'horreur récursive - plus encore que chez feu Wes Craven -, n'ayant jamais peur d'admettre qu'une grande partie de l'horreur est au centre même de notre imagination fertile (ni même sa place importante dans notre quotidien, de manière consciente ou non), autant que constat social bouillant sur les difficultés d'intégration, les inégalités et le racisme latent qui gangrènent l'Amérique (mais pas que), filmé de manière frontale - carrément sur place, avec les risques que cela importait -; Candyman est un cauchemar sans concessions, aussi proche de la folie paranoïaque (est-ce réellement Candyman qui tue... ou Helen ?), que puissant d'un point de vue réflexif et symbolique (les légendes urbaines ne sont-elles pas les monstres dont l'humanité a besoin ? La peur n'était-elle pas nécessaire pour réfréner l'ordre et le chaos ? Ou, tout simplement, n'est-elle pas le privilège du pouvoir et des plus riches, face aux minorités, pour mieux les contrôler ?), catapulté dans une société où la croyance religieuse ne semble plus avoir sa place - un comble dans un pays profondément catholique comme l'Amérique -, tout comme la morale.

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Autant porté par la prestation dévouée d'une Virginia Madsen à qui rien ne sera épargné (autant psychologiquement que physiquement, elle qui fut d'ailleurs réellement hypnotisé sur le tournage, pour mieux retranscrire la perte de pieds de l'héroïne au fil du récit), que par le charisme bestial et enivrant de Tony Todd (entre le héros tragique shakespearien, presque cousin germain du fantôme de l'opéra, et l'ogre Dracula-esque innarêtable comme Freddy Krueger, l'humour potache en moins), transcendé par le score anxiogène et indélébile de Philip Glass (son plus bel effort); Candyman est un chef-d'oeuvre funeste autant pour Bernard Rose (qui sera écarté du montage), que pour Clive Barker (personne n'adaptera plus aussi merveilleusement bien ses écrits, pas même lui) que la saga elle-même (ses deux suites sont des purges).
Reste que cette dernière a encore une lueur d'espoir, sa suite/reboot férocement repoussée par le Covid-19, semble avoir tout ce qu'il faut pour nous faire croire en nouveau au Candyman... et on en a besoin.


Jonathan Chevrier


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