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[FUCKING SERIES] : Emily in Paris saison 1 : Baguette, béret, cliché


(Critique - avec spoilers - de la saison 1)

En ce début octobre où l’envie de s’enrouler dans un plaid et de se faire peur avec un cycle cinéma horreur est au firmament, Darren Star nous propose sa nouvelle série sur la plateforme Netflix, à l’opposé de tout cela. Le créateur de Sex and the city nous revient à Paris cette fois, avec la délicieuse Lily Collins en fashionista génie du marketing et des réseaux sociaux, prête à tomber dans les bras d’un beau français du haut de ses stilettos Louboutin, sous le ciel jamais gris (on voit que c’est de la fiction) de la ville Lumière.

Copyright STEPHANIE BRANCHU/NETFLIX

Emily in Paris sent bon les comédies romantiques américaines où tout est beau, riche, édulcoré. Ici, le métro n’existe pas, les rues sont désertes et l’on se fait des ami.e.s en trois minutes top chrono. Dès les premières minutes de la série, les codes du genre nous sautent aux yeux : tout est parfait. Lumière saturée pour donner du pep’s, montage structuré et peu de mouvement de caméra compliqué. Il faut oublier les gros plans ou tout ce qui pourrait venir ternir ce beau décor et ces acteurs magnifiques, on vient pour de la fiction en carton pâte et on en a pour notre argent.
Lily Collins est Emily, une jeune assistante de marketing dans une grosse entreprise de Chicago. Sa vie est parfaite : un boulot de rêve pour lequel elle va bientôt obtenir une promotion, un petit ami prêt à s’engager. Mais sa cheffe tombe soudainement enceinte et Emily doit la remplacer au pied levé pour aller à Paris, accompagner le rachat de Savoir, une entreprise française de publicité. Elle ne sait pas parler un mot de la langue, mais tant pis, l’opportunité est trop belle. Qu’importe si son copain la laisse tomber parce qu’il ne supporte pas la distance : Emily est dans une des plus belles villes du monde, Paris. La Seine, les pavés, la Tour Eiffel qui s’illumine, ses petits bistrots, le pain au chocolat, le béret : aucun cliché parisien n’est laissé de côté. Un défaut souvent relevé depuis la sortie de la série, alors qu’elle s’inscrit directement dans un univers onirique comme l’était Sex and the city, ou encore le film Le diable s’habille en Prada de David Frankel, où New York se résume aux boutiques de luxe et à l’Upper East Side.

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La série embrasse les clichés, du genre qu’elle expose (la comédie romantique) autant que la différence entre français et américain. Emily est l’américaine type, souriante, motivée, elle voit toujours le bon côté des choses et ne baisse jamais les bras. Les français eux, sont montrés dans toute leur agressivité et leur impolitesse : ils ne veulent pas lui parler anglais, lui donnent des petits surnoms peu sympathique. Rien de bien méchant en soi, surtout que tout ceci est contrebalancé par les copains/copines qu’elle se fait assez vite. Si un effort est effectué pour mettre un peu de diversité dans le casting (toujours très blanc dans ce genre de production), il ne servirait à rien de crier victoire trop vite tant ces quelques personnages ne dépassent jamais le stade du cliché et/ou du gimmick drôle pour faire passer la pilule.

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Emily in Paris est une comédie romantique pure et dure. Nouvellement célibataire, notre héroïne découvre le charme français et s’en donne à cœur joie. Gabriel (Lucas Bravo), le beau voisin, Mathieu Cadault (Charles Martins), héritier du couturier Pierre Cadault, Antoine (William Abadie), le ténébreux parfumeur. Chose à souligner, le personnage n’est jamais jugé par son nombre d’amant, même si la série met le doigt sur un sujet bien précis sans toutefois s’y attarder. Par son ton très bourgeois, ses prétendants sont dans des postes de pouvoir ou haut placé dans la classe sociale. Ils sont tous polis, galants, mais cette galanterie (connotée française) cache un système d’oppression et d’asservissement des femmes à un regard masculin, désir de plaire et de posséder. Emily ne comprend pas tous les tenants et aboutissants de cette drague, qui s’appuie sur une zone grise entre harcèlement et séduction, où la tribune signée par certaines actrices françaises sur la liberté d’importuner nous vient directement en tête. L'héroïne est alors confrontée à ces injonctions, qu’elle apprend tant bien que mal à contrer. Le male gaze des publicités est aussi remis en question dans l’épisode 3, “Sexy ou sexiste”, qui aborde le questionnement de la femme objet pour vendre un produit. 

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Malheureusement, ces sujets sont bien vite délaissés, au profit de l’histoire de cœur, la base de toute comédie romantique nous sommes bien d’accord. Encore pire, les cinq derniers épisodes de la saison rejettent presque d’emblée ces questions, comme si une fois évoquées pour “être tranquille”, on pouvait revenir à un traitement plus classique de la romance, c’est-à-dire des codes totalement éculés, bien loin d’une modernité qui serait pourtant bienvenue dans les relations amoureuses montrées sur petit et grand écran. À cette image, l’épisode 8 “Une affaire de famille” est éloquent : Emily couche avec le petit frère de son amie Camille, qui a seulement dix-sept ans, sans connaître son âge. Une fois la révélation passée, l’épisode ...passe à autre chose, occultant cet état de fait consciemment. On a là l’essence de Emily in Paris, qui ose aborder des sujets costaux sans forcément avoir l’envie de pousser plus loin la réflexion.



Tout ceci n’empêche pas d’apprécier le visionnage. La série a du pep's, une galerie de costume agréable à l’œil  et Lily Collins incarne corps et âme ce personnage attachant. Emily in Paris n’a pas l’envergure de renverser la comédie romantique et se veut un petit bonbon édulcoré, bien sucré, chose que la série fait à la perfection. 


Laura Enjolvy




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