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[LES CARNETS DE L’ÉTRANGE] : Jours 3, 4 et 5


#Épisode 2. Jours 3, 4 et 5.

Comme chaque année, l'Etrange Festival se déroule début septembre à Paris, au Forum des images. C'est l'occasion pour nos humbles rédacteur.ices de découvrir un tas de films de genre, films bizarres ou curiosités cinématographiques.


Nous donnons la parole à Manon, pour Fanny Lye Deliver'd de Thomas Clay, diffusé lors de la soirée du vendredi 4 septembre dans le cadre de la compétition Nouveau Genre. En 1960 en Angleterre, Fanny, une mère subissant silencieusement son mariage oppressif, voit sa vie et son foyer bouleversés par la découverte d'un couple de fugitifs, nus, dans sa grange.


Fanny Lye Deliver'd est un de ces films qui perturbent un peu parce qu'il n'est nul part là où vous l'attendez. C'est l'alliance atypique du film historique à la reconstitution minutieuse avec une mise en scène ultra-moderne, plutôt baroque. L'effet fonctionne à merveille : la thématique très moderne de l'émancipation féminine, plutôt bien traité, s'insémine dans la reconstitution à travers la mise en scène. La reconstitution historique minutieuse confère au film un charme particulier : la musique a été interprétée avec des instruments de l'époque et la photographie (Giorgios Arventis, le directeur de la photographie de Theo Angelopoulos) en 35mm est magnifique. La maison isolée dans la campagne anglaise devient vite un huis-clos aussi inquiétant que fascinant. Le défaut, très dommage, de Fanny Lye Deliver'd est sans doute une héroïne qui reste un peu trop discrète - c'est d'abord justifié par sa situation, mais ça peine à évoluer lorsque le film le veut. Mais Fanny Lye Deliver'd reste malgré cela une très belle découverte, un lointain cousin La Favorite de Yorgos Lanthimos, sans son cynisme et sans son âpreté. L'oeuvre qui sera sans doute une des pépites de cette compétition Nouveau Genre est généreuse, curieuse, une belle expérience en somme. Manon.


© D.R.

De son côté, Éleonore est allé voir successivement Amulet, premier passage derrière la caméra de la comédienne Romola Garai, mais aussi le délirant Shakespeare Sh*tstorm de Lloyd Kaufman, qui fleure bon les délirantes bandes Trauma.


Quelle jolie sélection que celle de cet Étrange festival qui décide de mettre en avant des réalisatrices de films de genre. On continue, après l’australien Relic, avec le britannique Amulet, première réalisation de l’actrice Romola Garai. Ce film ne detonnerait pas dans le “good for her” cinematic universe avec notamment Midsommar, Knives Out, Invisible Man… Le propos, très largement féministe de la réalisatrice, ne se dévoile complètement qu’à la toute fin par un changement radical de ton - qui selon moi aurait même pu l’être bien plus. Avant cela, le film prend son temps, distille son ambiance moite et feutrée, en semant discrètement les indices de son intrigue. Éléonore.


© D.R.

Lloyd Kaufman nous revient cette année avec un nouveau film Troma, et ce n’est pas pour me déplaire. Troma c’est un style bien particulier qui ne se targue pas de faire dans la dentelle. L’humour est bien en dessous de la ceinture, fait passer tout type de fluides par tous les trous possibles et ne s’embarasse pas de bienpensance. Dans ce film, il adapte à nouveau un des classiques de Shakespeare : La Tempête. Il s’en prend à l’industrie pharmaceutique autant qu’à l’uniformité de pensée engendrée par les réseaux sociaux. C’est aussi grinçant que jubilatoire. Éléonore.


© D.R.


La journée du samedi 5 septembre s'annonçait radieuse avec la projection de A Dark, Dark Man d'Adilkhan Yerzhanov, présenté dans le cadre de la compétition nouveau genre. Dans les steppes kazakh, un policier corrompu voit ses certitudes ébranlées.
Du côté de Manon, qui apprécie tout particulièrement le cinéma de Yerzhanov, c'est un beau film qui contient tout les ingrédients d'un film de son réalisateur : c'est plutôt âpre et poétique, avec une dose d'absurde. L'ennui avec A Dark, Dark Man est sans doute son incapacité à captiver dès le départ. Le caractère austère de l'oeuvre rend l'entrée difficile et l'absurde peine à être mieux accepté. Mais comme à son habitude, Adilkhan Yerzhanov impose son style qui n'appartient qu'à lui-même avec beaucoup de classe, à travers une mise en scène qui n'a rien à envier aux plus grands. Manon.




© Arizona Films

La journée continue avec Sputnik, un film de science-fiction horrifique russe réalisé par Egor Abramenko. Lorsqu'un cosmonaute rentre d'une mission spatiale, il peut s'attendre à être accueilli en héros. Semiradov n'a pas cette chance. Unique respecté de l'accident de son vaisseau, il n'est pas revenu tout à fait seul : une créature vit à l'intérieur de son corps et s'en échappe toutes les nuits. Une neuropsychologue se retrouve chargée d'enquêter sur le sujet, en toute confidentialité.
Manon vous donne son avis : Sputnik surprend, au départ, par une ambiance âpre, à base de secret d'état, dans un gouvernement qui ne laisse aucune chance à l'humain. Cette ambiance devient rapidement le cadre d'un récit soigneusement écrit, qui laisse une bonne place au suspens, dépourvu de tout fils blancs. Le film a été vendu comme n'ayant rien à envier à Hollywood et c'est, dans un premier temps, complètement vrai. Rien n'est laissé au hasard, les décors, les effets spéciaux, les comédiens sont tous extrêmement rodés. La thématique du gouvernement cruel surprend dans un film de nationalité russe - et c'est tant mieux puisque cela créé un sous-texte fortement appréciable. L'ensemble vient ensuite malheureusement à perdre en intensité sur la durée : la romance naissance part en queue de poisson et la fin semble avoir été un peu bâclée ou du moins le drame ne fonctionne plus comme il le devrait. Sputnik a néanmoins l'avantage de rester, du début à la fin, à hauteur d'humain. Le spectaculaire ne prend jamais le dessus sur les enjeux des personnages - ce qui n'est pas forcément le cas dans les films de ce genre. En bonus, en observe un personnage féminin qui n'a pas grand chose à envier à l'inspiration du film - Alien, puisqu'écrit avec une intelligence pas forcément évidente. Manon.



© D.R.

Et enfin, Jonathan de son côté, est parti découvrir le seul et unique film de feu le compositeur Jóhann Jóhannsson, Last and First Men, pour lequl il avait traversé les Balkans afin de filmer les " Spomeniks " (monuments en croate), des monuments de guerre construits sur les sites de massacres et de camps de concentration.
Un trip expérimental, existentiel et surtout douloureusement testamentaire.



Filmant les Spomeniks comme des figures anthropomorphiques fascinantes, le cinéaste tait leur signification pour mieux la laisser ouverte aux interprétations diverses, comme s'il invitait son auditoire à méditer sur lui-même autant que sur la folie brutale de l'homme, appelé à s'éteindre par sa propre bêtise/inconscience (on peut le voir comme un regard plein d'espoir sur notre survie, entre adaptation et réinvention, ou même comme quelque chose de beaucoup plus alarmant, un cri tactique et alarmant sur le changement climatique). Captivé par les méditations introspectives de Jóhannsson sur l'existence même de l'homme (nous rappellant que tout a une date d'expiration, y compris les espèces entières et ce jour après jour) ou même de l'art en lui-même, Last and First Men peut se voir comme une expérience apaisante, un petit bout de cinéma expérimental qui philosophe de manière obsédante et conflictuelle, sur la nature cruelle de l'éphémère de l'humanité. Une immersion rare et, évidemment tragique vu le destin du bonhomme, ce qui l'a rend si ce n'est indispensable, au minimum hautement recommandable. Jonathan.




Vous pouvez retrouver, pour continuer l'expérience, la critique complète de Jonathan sur le lien ici.


Courtesy of Films Boutique

Les films vus par vos humbles rédacteur.ices, le dimanche 6 septembre, étaient Random Acts Of Violence, Tomiris et Tiny Tim.
Dans le premier, présenté dans le cadre de la compétition, l'auteur d'un comic book horrifique inspiré d'un véritable tueur en série, faisait face à l'arrivée d'un tueur qui semble tout droit sorti de ses livres. Le film (une coproduction Etats-Unis / Canada) est réalisé par Jay Baruchel.
Manon n'a pas aimé, tout comme Jonathan : 

Random Acts Of Violence est la grosse déception de ce festival. Le postulat était intéressant : discuter de l'exploitation des véritables serial killers au service du divertissement, mêlé à un sous-texte métatextuel puisque le film est lui-même tiré d'un comic book. Mais, pour le reste, rien ne va : Random Acts Of Violence est dépourvu de psychologie, de recul sur ce qu'il raconte. Il nous apprend que la violence que la violence est mal et que la violence est alimenté par l'art (ou la pop culture) - ce qui n'est pas la chose qui a été le plus démontrée. C'est finalement trop simplifié, sans sensibilité et trop simplet. L'interprétation est également plutôt décevante et les dialogues sont trop faibles : c'est, en somme, un film très dommage. Manon.



Jouant de prime abord la carte de la parodie à la tension tellement soulignée et exagérée qu'elle en devient profondément ridicule, le film se perd ensuite dans un dédale de surenchère et de fragilité faussement récréatives (entre impulsions contradictoires et peu explorées, flashbacks foireux même de comportements irrationnels, tous fruits de défaillances narratives très étranges), qui ferait presque passé le plus mal torché des Saw, pour du Fulci en charentaise; sorte de gorefest interne ou toute l'équipe technique semblait tuer le temps à ne rien foutre, avec une satisfaction au moins aussi indécente que la morale finale. Dénué de toute urgence émotionnelle ou de sentiment d'empathie/d'identification, le seul plaisir (coupable ?) reste alors à trouver derrière les quelques fulgurances affirmées de la photographie de Karim Hussain, aux couleurs lugubres (le seul ayant compris que le film se devait de baigner dans une ambiance bis rital hyper-stylisés). C'est maigre, rachitique même... Jonathan.


Vous pouvez retrouver, pour continuer l'expérience, la critique complète de Jonathan sur le lien ici.


Courtesy of Shudder

La compétition Nouveau Genre se poursuit avec Tomiris, une épopée historique kazakh, réalisé par Akan Satayev et qui retrace la vie de Tomyris, grande reine des Masagètes au VIème avant Jésus Christ. Après avoir vu périr ses proches, elle devient libératrice de son peuple contre le tyrannique empire perse. Tomiris avait déjà été présenté le premier jour de l'Etrange, en ouverture.
Manon n'est pas assez convaincue : 

Tomiris aurait pu être une belle épopée mais c'est un pilotage automatique, une ligne droite sans saveur qui ajoute à chaque fois un nouvelle ennemi à son héroïne jusqu'au boss final. Il n'y a pas beaucoup à dire sur ce film : il n'a rien d'honteux mais il n'est pas intéressant pour autant, il enchaîne les poncifs sans ne jamais les transcender. Manon.



© D.R.


Enfin, le week-end se terminait avec Tiny Tim : King For A Day, un documentaire de Johan Von Sydow sur le chanteur au ukulélé Tiny Tim, qui fut, dans les années 1960, un sacré phénomène.
Manon y a trouvé une belle découverte. 

Tiny Tim présente, à travers des extraits de son journal intime, des apparitions télévisées et des témoignages de ses amis, le portrait d'un chanteur atypique. C'est très bien documenté et bien monté - Tiny Tim était un véritable phénomène de pop culture propre à son époque mais qui continue d'inspirer aujourd'hui. Le documentaire lui rend merveilleusement bien hommage sans l'idéaliser pour autant. Il brasse plusieurs aspects de sa personnalité et se construit autour de ses morceaux qui rappellent l'essentiel : sa musique. Manon.



© D.R.

Le premier week-end de cet Etrange Festival se termine sur ces mots. 


Manon Franken

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