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[CRITIQUE] : You Don’t Nomi


Réalisateur : Jeffrey McHale
Acteurs : -
Distributeur : UFO Distribution
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h32min.

Synopsis :
Le réalisateur Paul Verhoeven, des critiques de cinéma et des fans du film mal-aimé Showgirls tentent de réévaluer l'oeuvre qui a connu un échec commercial et critique retentissant à sa sortie en 1995.



Critique :


Si le film le plus (injustement) conspué de l'immense et vénéré Paul Verhoeven, déchaîne encore les passions même un quart de siècle après sa sortie houleuse en salles, gageons que l'idée de produire un documentaire à sa gloire, semblait dès lors si ce n'est essentiel, au moins légitime au vue de son accueil, mais encore plus de sa réputation (injustement bis) peu flatteuse.
Et la chose la plus pertinente et maline qui habite le bien nommé You Don't Nomi de Jeffrey McHale, c'est de résolument éviter de se concentrer sur un seul et unique point de vue (surtout celui du fan hardcore, rendant de facto sa réhabilitation presque impossible), lui offrant dès lors une défense on ne peut plus solide, tout en brassant une multitude d'opinions/réponses diverses salvatrice, allant bien plus loin que les simples appréciations binaires " chef-d'oeuvre/catastrophe absolue ".

Copyright UFO Distribution


De flop critique et commercial très décrié à sa sortie en salles, à succès surprise au moment de sa sortie vidéo (il est toujours classé parmi les 20 meilleurs ventes de l'histoire de la MGM), Showgirls a très vite trouvé une seconde vie en tant que péloche culte populaire et aux proportions surdimensionnées, et c'est ce second versant improbable à l'époque, que McHale examine pour mieux comprendre pourquoi et comment, il a su trouvé un public si dévoué et si durable; une étude expérimentale et (très) visuel, plaçant tous les bons et mauvais côtés de son sujet sur le tapis, pour mieux laisser son auditoire choisir son camp à la fin.
Privilégiant intelligemment les interventions diverses pour mieux en faire des rôles de commentateurs invisibles mais essentiels (mentions aux images d'archives des acteurs et des créateurs impliqués dans le film, y réfléchissant à l'époque et quelques temps plus tard), You Don't Nomi incorpore également des extraits des autres films de Verhoeven, les entrecoupant de plusieurs scènes de Showgirls, histoire de judicieusement les (re)placer dans le contexte plus large de la carrière du réalisateur, et plus directement dans toute sa période américaine.
Sans prendre de pincettes, il expose comment sa réception a affecté son équipe créative (Elizabeth Berkley à vu sa carrière plombée et a gentiment intégré la Blacklist d'Hollywood), tout en suivant la joie, l'inspiration et même la catharsis qu'on pu trouver les fans au coeur de cette histoire d'une danseuse intense venant à Vegas avec des rêves de la célébrité, une volonté de gravir les échelons du succès qui n'aura pour réponse que le versant obscur de l'American Dream, entre violence, corruption et inhumanité profonde.

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Appréciation plus profonde de la bizarrerie authentique d'un raté éclaboussant et coûteux, alternant les avis constructifs et fascinant (de l'écrivain David Schmader, devenu une sorte de point de pivot au coeur des avis passionnés autour du film, en passant par Joe Eszterhas, qui pense qu'au fond, le Hollandais Violent croquair consciemment une comédie secrète et hautement cynique, ou tous les mauvais éléments du film vont instinctivement de pair avec son éclat artistique), autant qu'un ton aussi ludique que sérieux (notamment quand la critique Haley Mlotek démontre de façon convaincante que le film est intrinsèquement misogyne, ou quand April Kidwell lui offre un contrepoint fort en racontant sa propre agression sexuelle, et en expliquant comment jouer dans le musical tiré du film, l'a aidée à affronter et à vivre avec son traumatisme), sans pour autant réparer l'irréparable - son sexisme et son racisme, impossible à nier -; You Don't Nomi embrasse l'idée pertinente que cette carrière bifurquée et complexe, n'est au final que l'héritage qui définit au mieux ce qu'est le film de Verhoeven.
Une fable hypnotique, vulgaire et volontairement risible sur les travers de l'American Dream, au coeur des limbes du voyeurisme, du sexe et du pouvoir gentiment jonché sur les plus hautes cimes de la capitale du vice (avec une omniprésence de la religion chrétienne, pilier de la société patriarcale US); autant qu'un opus de destruction massive subversif mais incroyablement perfectible (ses défauts sont nombreux), fomenté comme un doigt d'honneur impulsif à Hollywood - et encore plus puissant que prévu -, qui vomit l'obscénité de l'industrie du spectacle à la gueule de son spectateur (sans le tenir par la main, quitte à enchaîner les scènes dérangeantes), avec une fureur morbide.

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Peut-être pas aussi passionnant et riche que le film qui le fait vibrer, le documentaire de Jeffrey McHale n'en est pas moins un documentaire captivant n'imposant jamais un quelconque regard critique, un effort objectif et fouillé scrutant du bout de la caméra la façon dont une œuvre d'art - et ici une oeuvre profondément et puissamment étrange - peut s'offrir une existence allant bien au-delà de ses intentions initiales, grâce à l'appropriation ou le rejet, des spectateurs.


Jonathan Chevrier


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