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[C’ÉTAIT DANS TA TV] : #17. Spaced

Copyright Channel 4 Television Corporation

Avant de devenir des cinéphiles plus ou moins en puissance, nous avons tous été biberonnés par nos chères télévisions, de loin les baby-sitter les plus fidèles que nous ayons connus (merci maman, merci papa).
Des dessins animés gentiment débiles aux mangas violents (... dixit Ségolène Royal), des teens shows cucul la praline aux dramas passionnants, en passant par les sitcoms hilarants ou encore les mini-séries occasionnelles, la Fucking Team reviendra sur tout ce qui a fait la télé pour elle, puisera dans sa nostalgie et ses souvenirs, et dégainera sa plume aussi vite que sa télécommande.
Prêts ? Zappez !!!





#17. Les Allumés / Spaced (1999 - 2001)

Quiconque est un tant soit peu amoureux du cinéma béni et savoureusement référencé d'Edgar Wright, petit bout d'anglais qui assume totalement son statut de geek (ce que tout le monde devrait faire), sait que sa passion du septième art ne se retrace pas dès Shaun of The Dead, mais bien dès la formidable Spaced; sitcom faussement lambda sur le papier mais vrai terrain de jeu totalement décomplexé pour lui et les duettistes Simon Pegg (qui ne le quittera plus après) et Jessica Hynes, qui vont faire preuve d'un génie scénaristique proprement incroyable sur deux petites saisons gentiment entrées dans la légende de la télévision UK.

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Tout démarre, sans jugement facile, comme les prémisses d'une sitcom : deux personnages, un homme et une femme gentiment paumés et solidement ancrés dans la vingtaine, viennent de se rencontrer dans un café et décide de rompre leur statut social précaire - ils cherchent tous les deux un appartement -, en se faisant passer pour un couple histoire de pouvoir loger dans la propriété de Marsha, qui ne veut que des couples comme locataires.
Un petit mensonge pas si anodin, qui va vite devenir le fruit d'une pluie de malentendus comiques, notamment avec l'implication de plus en plus prégnante de voisins et amis plus loufoques les uns que les autres.
Petit miracle productif (ils sont excessivement rares, les shows écrits et réalisés en petite communauté, sur les gros networks), célébré pour ses références compulsives à la culture pop (ça tire merveilleusemenr à vue sur Star Wars, Resident Evil, Robocop, Jurassic Park, 2001, l'odyssée de l'espace, Matrix ou même le cinéma de Tarantino), opérées avec un enthousiasme geek qui ne peut être feint, le show est surtout l'instigateur d'un humour hilarant mais surtout furieusement empathique tant il ne peut naître et jaillir que d'expériences vécues, véhiculées par des personnages qui nous apparaissent réels parce qu'ils le sont, tout simplement (impossible de ne pas imaginer que Pegg et Hynes n'ont pas mis énormément d'eux-mêmes dans les personnages de Tim Bisley et Daisy Steiner).
Une gymnastique complexe, tant la série arbore dans le même temps, tous les tropes familiers du petit monde de la sitcom, avec une envie louable dans pointer l'ironie pour mieux la réhabiliter, en l'expurgeant de tous ses maux (faux rires, écriture et humour limités, persos caricaturaux,...), tout en cherchant continuellement à exploser les limites de son potentiel; quitte à même s'auto-rebooter en cours de route (le début de la seconde saison, ou le faux couple Tim/Daisy n'a même plus besoin de se cacher, avant de bousculer les cartes au crépuscule de la saison, avec l'arrivée d'un love interest pour Tim et la révélation de leur mensonge à Marsha).

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Mieux, au-delà de dilluer son optimisme par une dose de pessimisme totalement étranger au genre (le ton alterne constamment entre le cynisme et l'espoir, mais surtout une apologie du statu quo et la nécessité de jouir de l'instant présent, sans être tiraillé par la peur du lendemain), et de continuellement renouveler son humour (potache, jeux de mots intelligents, morceaux de fantaisie, chutes " à l'ancienne ", blagues lettrées, saillies mordantes - mais jamais méchantes - ou emplie de blues - mais toujours avec douceur -,...), il démonte même la sacro-saint règle (le trio a bien retenu la leçon de son modèle Clair de Lune) de la romance obligée entre les deux persos vedettes, en ne faisant pas du couple Tim/Daisy une fin en soit, même si la porte n'est jamais totalement fermée quand à une romance un jour (le happy end final prouve brillamment qu'ils n'en ont absolument pas besoin).
Totalement éprise de ses personnages, la série ne tourne pourtant pas uniquement autour du dessinateur cynique et torturé qu'est Tim, ou de l'écrivaine timide et rêveuse qu'est Daisy, et sa richesse (autant que son excellence) vient aussi et surtout de son immense galerie de seconds couteaux, tous plus géniaux les uns que les autres; une sorte d'immense famille aimante et dysfonctionnelle, qui ne peuvent pas/plus vivre les uns sans les autres.
De la propriétaire délurée Marsha, dont la relation conflictuelle avec sa fille occupe toutes les conversations, en passant par le sérieux et parfois paralysant Brian, un voisin artiste excentrique et un brin asocial (ses arcs persos sont parmi les meilleurs du show, que ce soit «Art» avec un ancien ennemi artiste Vulva, ou son envie de quitter sa coquille complexée pour aller danser dans «Epiphanies»), en passant par les BFF respectifs de Tim, Mike (un grand enfant vulnérable et incroyablement innocent, totalement obsédé par la guerre) et de Daisy, Twist (aussi désagréablement snob qu'elle est inconsciemment amusante); Spaced soigne ses sujets, même quand ils ne sont que des caméos de luxe venus boostés l'histoire (mention à Michael Smiley en livreur à vélo accro au clubbing, Tyres, Bill Bailey en big boss de Tim, Bilbo, mais aussi le grand Peter Serafinowicz en ennemi juré de Tim, Duane).

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Regard attendrissant, vif et fin sur la nécessité de mûrir sans jamais perdre son regard d'enfant, et l'aspect gentiment puéril qui va avec (ce qui est totalement perceptible dans l'amitié géniale qui unit Tim et Mike), épousant l'idée rassurante que le rire et l'insouciance peuvent nous préserver des souffrances de la vie, au travers des aléas doux et dingues d'un tandem cartoonesque volontairement imparfait (et faussement mal assorti), tâtonnant du mieux qu'il le peut vers l'âge adulte; Spaced est du pur bonheur en barre, quatorze tranches de kiffe absolu rafraîchissant, ludique et généreux, qui nous font autant mourir de rire qu'elles nous touchent jusqu'au plus profond de notre âme.
Un show unique, ou chacun des membres devant comme derrière la caméra, s'unissent avec enthousiasme pour pleinement atteindre la mesure de leur pouvoir collectif, une sorte de premier album brillant sur deux petites saisons, qui saura s'arrêter au bon moment, à son firmament, pour ne pas égratigner sa maestria.
Lumineux, audacieuse et inégalable, même plus de vingt ans après, Spaced n'a pas perdu une once de sa magie et de son capital sympathie immense, et il n'y a pas plus grand bonheur que de s'y replonger (très) régulièrement.


Jonathan Chevrier 

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