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[CRITIQUE] : Notre-Dame du Nil


Réalisateur : Atiq Rahimi
Acteurs : Pascal Greggory, Albina Kirenga, Amanda Mugabekazi, Clariella Bizimana,...
Distributeur : BAC Films
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Français, Belge, Rwandais
Durée : 1h33min

Synopsis :
Rwanda, 1973. Dans le prestigieux institut catholique "Notre-Dame du Nil", perché sur une colline, des jeunes filles rwandaises étudient pour devenir l’élite du pays. En passe d’obtenir leur diplôme, elles partagent le même dortoir, les mêmes rêves, les mêmes problématiques d’adolescentes. Mais aux quatre coins du pays comme au sein de l’école grondent des antagonismes profonds, qui changeront à jamais le destin de ces jeunes filles et de tout le pays.



Critique :


Après Syngué Sabour en 2013, qui adaptait son propre livre, prix Goncourt 2008, le réalisateur Atiq Rahimi nous revient sur grand écran avec Notre-Dame du Nil, une adaptation du roman éponyme écrit par Scholastique Mukasonga. Elle y décrit son enfance au Rwanda, ainsi que son éducation dans une école catholique nichée dans les collines dans les années 70. Le film, tout comme le livre, s’intéresse à ces jeunes filles, qui vont être les premiers témoins à la violence sourde qui plane. Vingt ans plus tard, un génocide aura lieu, tuant plus de huit cent milles Tutsis. Cette violence est reliée dans le film au passé colonial, qui tend à faire oublier l’histoire du pays.



En pleine montagne se trouve l’institut catholique Notre-Dame du Nil, où l’élite féminine rwandaise est éduquée à devenir de parfaite jeunes femmes accomplies. Dirigée par une religieuse française, elles sont filles de ministres, d’état major, sont courtisées par des ambassadeurs, côtoient la politique de très près. Les élèves sont priées de parler uniquement le français, dans l’enceinte de l’école, mais aussi au-dehors, chez elles surtout, pour montrer leur distinction. On leur enseigne les bonnes manières, la valeurs chrétiennes, mais aussi l’Histoire, non pas de leur pays qui n’est pas au programme mais celui de l’Europe, entre guerres, conquêtes et coup d’état. La communauté prime sur l'individualité dans cette école, où chaque effort, chaque tâche sont collectifs. C’est par un certain Fontenaille (Pascal Greggory), un blanc dirigeant une plantation pas loin de l’école qui viendra le premier à faire une distinction entre les élèves. Il s’intéresse plus particulièrement à deux jeunes filles, Veronica et Virginia, qui sont pour lui très différentes de leurs camarades. Elles sont tutsis, un peuple qui fascine Fontenaille par leur histoire et leurs légendes. Cette question ethnique, on l’entendra un peu plus tard, de la bouche de la mère supérieure qui refusera une élève tutsi à cause d’un quota de 10%. Cette question va s'immiscer parmi les élèves, avec à sa tête la jeune Gloriosa, fille d'un ministre qui finit par mentir pour mettre en avant son peuple, les Hutus, le peuple “majoritaire” selon elle. Cette haine à peine déguisée va frapper de plein fouet l’école, qui n’en sortira pas indemne.


Notre-Dame du Nil est découpée en quatre parties, Innocence, Sacré, Sacrilège, Sacrifice. Un récit chronologique, pour montrer comment une doctrine de haine prend place peu à peu celle enseignée à l’école. Les jeunes filles, identiques par leurs habits, finissent par se détacher par rapport à leurs idéaux. Gloriosa glisse de plus en plus vers la discrimination d’un peuple à cause d’un différent avec une de ses camarades tutsi. Veronica se rapproche de Fontenaille, car elle est fascinée par la légende de son peuple qu’elle ne connaît pas. Modesta, la meilleure amie de Gloriosa suit sans sourciller son amie, jusqu’à s’apercevoir qu’elles atteignent un point de non-retour. Virginia, elle, prend contact avec une sorcière de son village, qui l’aidera à voir clair dans ce qui sur le point de se passer. Atiq Rahimi n’hésite pas à mélanger une mise en scène très naturelle, à la limite du documentaire pour suivre ses jeunes filles dans leur vie quotidienne et un aspect plus spirituel, avec une voix off qui nous parle d'esprit, de croyance du peuple rwandais. Le réalisateur cite Gus Van Sant et son film Elephant, qui a été une référence majeure pour la tuerie filmée à la fin du film, où Gloriosa et des amis de son père, des hutus tuent les jeunes filles tutsis de l’école, ainsi que toutes celles qui essayent de les aider. Ce qui manque au film est une cohérence entre les parties. Si l’on comprend le parti pris, pour montrer visuellement une innocence souillée par la haine et le sang, les deux premières parties ne dévoilent que peu d’enjeu. Il nous est difficile de s’attacher à ces jeunes filles, dont les actrices ne jouent malheureusement pas parfaitement. Parfois, la mise en scène se veut onirique, presque énigmatique, comme le montre cette séquence sous la pluie, où elles dansent, vêtues de blanc. Séquence qui ne raconte pas grand chose et qui est rattachée à aucune scène, précédente ou suivante.



Pourtant, Atiq Rahimi arrive à frapper fort avec ses deux derniers segments, les plus fatalistes, où il montre la montée d’une idée dangereuse, motivée seulement par de la jalousie et de la désinformation. Le film décèle les problèmes de leur éducation européenne et du colonialisme. Sans base identitaire, construite par l’école et par l’histoire apprise, ces jeunes filles doivent combler les blancs de leur éducation par leur entourage et la politique, ce qui, sans base solide, entraîne incompréhension, endoctrinement et colère. Une ignorance qui conduit, même dans le lieu le plus pieu et le plus angélique, à un cauchemar sanglant.


Laura Enjolvy 



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