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[CRITIQUE] : The Laundromat : L’Affaire des Panama Papers


Réalisateur : Steven Soderbergh

Acteurs : Meryl Streep, Gary Oldman, Antonio Banderas, Jeffrey Wright, David Schwimmer, Robert Patrick, Sharon Stone,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h36min.

Synopsis :

Après s'être fait extorquer l'argent de son assurance, une veuve en colère enquête jusqu'au Panama, où deux avocats rusés dissimulent de l'argent pour les super riches.



Critique :



Voir le génial Steven Soderbergh s'attaquer, en début d'année, aux arcanes du monde friqué du basket-ball professionnel armé de son iPhone, avait de quoi dérouter sur le papier, tant on se demandait bien sûr qu'elle chaise allait danser le bonhomme : celle du parcours initiatique puissant à la Spike Lee (He Got Game) ou celle de la chronique sportive acerbe et décomplexée à la Oliver Stone (Any Given Sunday).

Ni l'un ni l'autre au final - même si on tend quand-même un poil du côté de Stone dans le fond -, tant le cinéaste, qui n'a jamais voulu jouer le jeu dans les règles, s'échinait à faire de High Flying Bird une chronique aussi ludique que réflexive, sur les mécanismes du sport spectacle américain dont il ne sublimait jamais - volontairement - la folie exaltante du terrain.
Une entrée en matière imposante du côté de chez Netflix, terre d'accueil qui lui permet de garder ses distances avec la machine Hollywoodienne tout en laissant libre court à sa frénésie créative, redevenu dévorante passé sa vraie/fausse retraite totalement digérée depuis.



Attendu comme la mise en bouche conséquente d'une fin d'année assez folle sur la plateforme (Marriage Story, The King, The Irishman,...) sous forme de réunion prometteuse entre Soderbergh et le scénariste Scott Z. Burns, The Laundromat incarne in fine une tentative volontairement excessive et irrévérencieuse, de conter l'accumulation et les conséquences de la tristement célèbre fuite des Panama Papers de 2015.

Une oeuvre imprévisible et assez délicate à cerner, ou le cinéaste abandonne l'idée du drame simple et direct, pour se diriger vers le vrai pastiche acidulé qui assume pleinement son dernier tiers franchement politique, articulé autour d'une foule d'éléments insolites qui confèrent à l'écran la sensation mi-grisante, mi-ennuyeuse d'une pluie de pastilles/reconstitutions multi-centrées menée - heureusement - tambours battants; une narration épisodique à la lisière du documentaire informatif qui emprunte une voie déréglée et non conventionnelle sur le marché international (souvent complexifié pour pas grand chose, histoire de donner la même impression de vertige que dans The Big Short d'Adam McKay), qui laissera sans doute plus d'un spectateur sur le carreau.
Une étude chorale - voire même procédurale - qui rappelle parfois les belles heures de sa filmographie, où Soderbergh multiplie les angles de prise de vue surprenants et use de sa sensibilité énergique pour tenter de dynamiter avec panache son propos, et si la première partie à l'atmosphère impénétrable fonctionne, où le couple Banderas/Oldman cabotine joyeusement (comme s'ils étaient tout droit sortie de... The Big Short), ce n'est vraiment que lorsque la merveilleuse Meryl Streep entre en scène, que la péloche prend toute la mesure de son propos, et s'avère au final vraiment intéressante.


S'aventurant vers quelque chose de plus réaliste en s'accrochant aux basques d'Ellen Martin, une veuve à la retraite qui découvrira malgré elle le sens choquant du terme " société écran ", on retrouve ce petit fumé délectable de la fable sociale des laissés-pour-compte qu'incarne Erin Brockovich, la présence dominante de la comédienne triplement oscarisée appuyant sans peine une conférence féroce et fougueuse sur la politique américaine (son incapacité volontaire à ne pas s'attaquer au problème du blanchiment d'argent, puisqu'il affecterait directement les riches entreprises finançant les partis politiques du pays).
Dommage que tout le métrage ne garde pas de tout son long cette rigueur et cette pertinence, plombé par des choix douteux et une irrévérence insaisissable - explosion du quatrième mur en prime - qui, tout compte fait, incarnent également la définition d'un constat lucide sur un sujet lui-même tellement riche - et redondant/emmerdant pour les non initiés -, qu'il est difficile de le maintenir sur le seul cadre d'un long-métrage d'une heure et demie, tant il est impossible de se soucier de tout, et encore plus de tout le monde.
Paradoxal The Laundromat ?
Comme tout film de Soderbergh qui se respecte en somme.


Jonathan Chevrier






Après le monde du basket - High Flying Bird - plus tôt dans l’année, le réalisateur multifonction Steven Soderbergh revient, toujours sur Netflix, avec cette fois-ci un film sur le tentaculesque scandale des Panama Papers. Sélectionnée à la dernière Mostra de Venise, l’œuvre se présente comme une fresque pittoresquement glaçante qui se gorge au fil des minutes d’une puissance politique et militante qui explose dans une ultime scène orgamisque.



Mais, avant cela il y a 1 h 30 de pellicule où Soderbergh et son scénariste Scott Z. Burnes tentent de détricoter un univers de fric – moins de chic, de manipulation en tout genre, mais surtout, et c’est le plus révoltant, de légalité. Le cinéaste y démontre, une nouvelle fois, tout l’étendu de son talent dans un véritable laboratoire d’inventivité filmique qui injecte, comme souvent chez Soderbergh, le rythme. L’angle de la caméra est rythmique, le montage n’est que pur rythmique, la musique imbibe la rythmique, le dialogue déchaine la rythmique.
Pour pénétrer cette réalité, Jugen Mossack et Ramon Fonsca, les avocats au cœur de ce scandale, qui prennent ici les traits de Gary Oldman et Antonio Banderas; dans un brisage de quatrième mur donnant d’emblée la tonalité caustique de ce qui va se présenter à nous. Une fois les contours expliquer par les deux avocats véreux, Soderbergh et Burnes déploient un récit puzzle, prenant presque l’allure d’un film à sketchs – on pense au Les Nouveaux Sauvages de Damián Szifron. S’enchaine alors, des saynètes croquant le portrait de différents personnages ayant trempée consentement – ou pas — dans les manipulations financières du duo. Dans cet éparpillement des intrigues, un segment s’impose, celui mettant en scène l’impériale Meryl Streep.



L’actrice y campe une récente veuve, Ellen Martin, qui va, par hasard, se trouver à fouiller et progressivement comprendre le poteau rose, sans réellement quoi faire de cela. Sorte d’ersatz d’Erin Brokovich, le personnage se voit tordu, malaxé et recraché par une Streep lui donnant corps, lui donnant une épaisseur, lui donnant une rage. Au travers de cette femme banale, sans histoire, vivant sa petite vie, Soderbergh tient à rendre ce scandale plus humain, l’éloigner des grandes fortunes qui usent de ces méthodes pour y esquisser les répercussions.
The Laundromat apparait alors comme un film d’éveil, de secousse, de révolte. Tout cela s’entremêle pour montrer à chacun que cela n’est pas juste un problème de riche et que chacun peut être un dommage collatéral de ces magouilles légales. Que faire ? La dernière séquence du long-métrage y répond sans détour, face au spectateur, oublier la subtilité, Soderbergh braque la caméra et attaque férocement, sans ambivalence, voter, voter bien, voter pour changer, voter.



Ainsi, The Laundromat prend l’apparence d’un Ocean’s Eleven des ordures, un Erin Brockovich du fric, un Pentagon Papers des citoyens. Éveiller les consciences dans un trip caustique qui ne doit jamais éclipser que tous les artifices que déploient Soderbergh et Burns ne sont que des subterfuges qui cache une vérité peu reluisante qui ne doit plus échapper au pouvoir de toute démocratie : le peuple.


Thibaut Ciavarella


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