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[FUCKING SERIES] : GLOW saison 3 : Welcome to Vegas




(Critique - avec spoilers - de la troisième saison)



On ne va pas se mentir, hormis un chef d'oeuvre bouillant et émouvant, mettant en lumière la carrière - et la vie - brisée d'un catcheur en bout de course, tout autant que la passion évidente de la lutte qui transpire d'un circuit indépendant rude, peu gratifiant et littéralement écraser par la surpuissance de la WWE - The Wrestler de Darren Aronofsky -; on ne peut pas vraiment dire que le monde de la lutte et du catch spectacle à réellement été mis en valeur autant sur le petit que sur le grand écran au fil des décennies.
Et ce malgré, il est vrai, quelques essais remarquables (le dernier tiers de La Taverne de l'Enfer de Sylvester Stallone en tête) qui ne viendront pourtant pas rattraper quelques tâcherons bien gras - No Holds Barred avec Hulk Hogan...


Copyright Ali Goldstein/Netflix

Alors, voir que Netflix se lançait tête baissée sur le sujet, via un versant pas forcément attractif pour les non initiés sur le papier - une division de catch féminin dans les 80's -, à une époque compliquée où l'âge d'or du catch semble un poil révolu (gageons sur les années 2000 furent son dernier gros temps fort) et où les femmes n'ont pas toujours les moyens de truster quasiment tous les rôles-titres d'un show; GLOW avait tout du pari casse-gueule, même si les années 80 semblent férocement réussir à Netflix (Stranger Things♥).
Chapeautée par le duo Liz Flahive/Carly Mensch (Weeds, Nurse Jackie) et de loin par Jenji " Orange is The New Black " Kohan, la série s'avérait in fine être l'une des plus belles surprises de la plateforme, comptant avec punch les coulisses de l'un des shows les plus ovniesques de la télévision US : Gorgeous Ladies of Wrestling aka GLOW, qui avait su se frayer un petit bout de chemin à l'antenne à une époque ou les fans de catch ne vibrait - uniquement ou presque - que pour les "Wwwwhhhhooooo " de la légende Rick Flair, ou le charisme incroyable du roi Hogan - sans qui le catch ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui.
Loin de n'être qu'une simple émission sur la lutte, ou quatorze femmes (actrices, top modèles, danseuses, cascadeuses,...) se crêpaient le chignon en tenues colorées et sexy, ou poussaient même la chansonnette pour divertir des milliers de téléspectateurs : GLOW était avant tout une fenêtre de vision incroyable pour une poignée de femmes talentueuses, qui ont construites toutes seules leur route vers le succès.


Copyright Ali Goldstein/Netflix

Dans la droite lignée d'Orange is The New Black avec sa galerie de personnages féminins hétéroclites et hautes en couleurs, véritables outsiders hors normes selon les conventions sociales, appelées à dévorer le petit écran à chaque épisodes, la série, spectacle dans le spectacle, était une intelligente dramédie, attachante et férocement nostalgique (la reconstitution des 80's est certes facile, mais franchement convaincante), totalement tournée vers sa pluie d'héroïnes en quête d'émancipation, elles-mêmes se déjouant continuellement des clichés qu'elles sont supposées incarner - autant dans le catch que dans la société US des années Reagan -; un condensé de loufoquerie franchement prenant, dominé par une Alison Brie étincelante, dans un premier rôle (celui de l'enthousiaste mais instable leader du groupe, Ruth, pas si éloignée de la Piper de OITNB) enfin à la mesure de son talent - et ce, sans pour autant qu'elle vampirise le reste du casting.
Véritable ode au girl power drôle (vraiment), énergique et émouvante, aussi subtilement engagée et politique qu'elle est didactique (notamment sur les arcanes artificielles du catch business), folle (mais pas autant que les comédies sportives de l'inégalable Will Ferrell, même si l'on pense souvent à Semi-Pro) et d'un charme fou; GLOW, évidemment loin des canons de la désormais vénérée Netflix (le moule de sa production commence tout de même à sentir le réchauffé, malgré des pitchs originaux), n'en était pas moins un excellent show qui frappe juste et fort (surtout quand il se déplace entre les cordes), et qui enchante par son infinie légèreté et la finesse de son écriture, magnifiée par un casting impeccable.


Copyright Ali Goldstein/Netflix

Succès oblige, elle passe la troisième ces jours-ci et enfonce le clou du bon goût en vivifiant considérablement les bons points de ses premières salves d'épisodes tout en réussissant la prouesse de ne pas jouer la carte de la redite - en changeant radicalement de cadre pour l'occasion -, pour mieux rendre encore plus attachantes et consistantes ses vedettes (dont les ambitions diverses sont encore plus développés), cette fois-ci bien ancrée dans les joies du star système, avec tous les avantages et les inconvénients que cela comporte.
À la fin de la saison 2, après s'être littéralement cassé le popotin pour mettre en marche un show de lutte cohérent et populaire, nos héroïnes prenaient le bus en direction de Las Vegas, un monde pétri de possibilités - et de vices -, en pleine mutation et pas encore gangrené par les hôtels luxueux et l'aspect " paradis spectacle " qu'il est devenu au cours des 90's.
Chacune va devoir s'adapter à l'oasis Vegas, mais surtout à un mode de fonctionnement totalement différent des enregistrements télévisées et surtout profondément perturbant et déshumanisant.
Et c'est là que toute la saison 3 de la série prend toute son ampleur : donner un visage humain et pluriel, à l'envers du décor du succès, répétant encore et encore chaque nuit la même et usante chorégraphie artistique sur le ring, où la lutte n'est plus une libération mais une attraction aux douloureuses courbes de spirale infernale pour la plupart d'entre elles.


Copyright Ali Goldstein/Netflix

Un labyrinthe de malaise où l'improvisation n'existe plus, et où il est question de faire son temps, sans compter les heures (les jours n'ont presque plus de valeur) de dur labeur ni l'absence de leurs proches, et si certaines s'accommodent facilement à cette manière de vivre son existence par les deux bouts (Ruth en tête), d'autres se sentent férocement piégés dans un système dénué de vie et d'évolution.
Utilisant cette île déserte festive (et fictive) qu'est Vegas pour traiter équitablement le sort de chacun de ses personnages (entre épanouissement, résilience et rébellion), dont les relations et altercations ont changés au fil du temps, sans ne jamais renier la dynamique de groupe, puisque "ensemble" est bel et bien une nouvelle fois, le maître mot au coeur du récit.
Évidemment, ce sont toujours Ruth/Alison Brie et Betty/Betty Gilpin qui incarnent les piliers les plus solides du groupe, bien aidée par une Geena Davis incroyable dans la peau d'une directrice de divertissements incarnant parfaitement la promotion de la stabilité suffocante des shows made in Vegas.
Dommage en revanche, dans cet océan de qualité indéniable, que la lutte "in ring" est sensiblement été mise de côté cette saison, là où les deux premières saisons étaient justement en partie axées sur cette apprentissage, entre incompréhension du culte et appréciation naissante, du catch.


Copyright Ali Goldstein/Netflix

Féminine jusqu'au bout des ongles, férocement 80's dans sa facture sans pour autant décliner une once d'engagement bien moderne, la nouvelle saison de GLOW, cynique en diable tout autant qu'elle est désopilante et pleine de coeur, tord encore plus les préjugés entre les cordes avec malice, et s'avère aussi addictive que la précédente - voire plus.
Sans forcer, le show tient bon le compte de trois et prouve que le combat d'une femme pour exister dans la société ne se limite jamais qu'à travers un cadre bien précis, mais bien au jour le jour, 24h sur 24h, et partout dans le monde.
Vivement une nouvelle saison, si Netflix ne joue pas la carte de l'abandon ou de la disqualification, comme elle a une sale habitude de le faire ces temps-ci...


Jonathan Chevrier



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