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[CRITIQUE] : Kings


Réalisateur : Deniz Gamze Ergüven
Acteurs : Halle Berry, Daniel Craig,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Drame, Policier.
Nationalité : Français, Américain.
Durée : 1h27min.

Synopsis :
1992, dans un quartier populaire de Los Angeles.
Millie s’occupe de sa famille et d’enfants qu’elle accueille en attendant leur adoption.
Avec amour, elle s’efforce de leur apporter des valeurs et un minimum de confort dans un quotidien parfois difficile.
A la télévision, le procès Rodney King bat son plein. Lorsque les émeutes éclatent, Millie va tout faire pour protéger les siens et le fragile équilibre de sa famille.



Critique :



Pour tout cinéaste, le second passage derrière la caméra, le fameux " film d'après " est toujours un passage aussi complexe que férocement scruté par les spectateurs/cinéphiles endurcis que nous sommes, et encore plus si le premier film s'était vu frappé par le sot de la perfection comme le fut Mustang de Deniz Gamze Ergüven.
Pensé comme un rendez-vous heureux (premier film en terre US avec deux grosses vedettes au casting) au sujet aussi sensible qu'il est fort (les émeutes de Los Angeles en 1992, suite à l'affaire Rodney King), Kings s'est surtout méchamment pris les pieds dans le tapis après une présentation houleuse au dernier TIFF, à l'instar de l'accueil glacial reçu quelques semaines auparavant par le (quasi) chef-d'oeuvre Detroit de Queen Kathryn Bigelow, au propos similaire.
Flanqué d'une réputation peu flatteuse et de critiques pas forcément tendre non plus, le film débarque donc un poil dans l'anonymat dans les salles obscures ces jours-ci.
Et s'il est évident que le film n'atteint pas la maestria de son premier essai, il n'est décemment pas non plus le tâcheron vendu un peu partout.



Après sa vision d'une poignée d'adolescentes étouffées par une société patriarcale turque, la cinéaste continue de poser avec sincérité son regard sur des jeunes adultes fougueux - majoritairement garçons cette fois -, confrontés autant aux affres de l'entre-deux âges (et encore une fois, l'enfance est ici brisée par une brutalité sourde et implacable) qu'à l'embrasement d'une communauté (justement) indignée et qui décide de répondre à la violence et à l'abandon de toute une nation, par des émeutes qui plongeront Los Angeles dans un chaos sans nom.
Lorsque Ergüven capte le tourbillon d'émotions qui bouscule ses jeunes héros, Kings se fait juste, captivant et d'une puissance évocatrice rare, mais quand celle-ci les abandonne pour leur préférer un regard sur les adultes, regard personnifié par une mère de famille courageuse et totalement débordée (Halle Berry, convaincante) et un voisin alcoolique et bougon (Daniel Craig, qui fait ce qu'il peut avec ce qu'il a), la péloche boîte, perd de sa viscéralité, de son authenticité et même plus directement de sa justesse.
Car de manière totalement improbable, Kings, avec ses petites histoires parallèles intimement liées dans la grande (où une bonne partie des personnages peinent à pleinement exister), jongle avec plus ou (surtout) moins de réussite autant sur le ressenti tendu d'une nuit chaotique et tétanisante, que sur des moments de légèreté et de chaleur entre des corps (trop) aimants, se voulant comme des bouffées d'air frais au milieu d'un cauchemar trop cruel pour être faux.



Et c'est bien là que le bât blesse, tant Deniz Gamze Ergüven semble perdue dans sa volonté de couvrir tous les fronts sur un tout petit peu moins d'une heure et demie, une indécision de ton et de construction qui ne rend que plus criant ses nombreux défauts (un script schizophrène, une vision rarement engagée, une esthétique laborieuse et un désir de visuellement surligner son propos à la limite du supportable), là ou le fond s'avère pourtant joliment pertinent (le témoignage d'époque à de grosses résonnances avec l'actualité).
Humain et brûlant mais profondément imparfait, Kings laisse éclater sa colère avec fougue et naïveté là où Mustang contenait sa rage pour mieux bousculer son auditoire dans un torrent d'émotions d'une puissance rare.
Une expérience ambitieuse sur le papier certes, mais oubliable.


Jonathan Chevrier


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