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[CRITIQUE] : Cartel


Réalisateur : Ridley Scott
Acteurs : Michael Fassbender, Cameron Diaz, Penélope Cruz, Javier Bardem, Brad Pitt, Bruno Ganz, Edgar Ramirez, Dean Norris,...
Distributeur : Twentieth Century Fox France
Budget : 25 000 000 $
Genre : Thriller, Drame.
Nationalité : Américain, Britannique, Espagnol.
Durée : 1h51min.

Synopsis :
La descente aux enfers d’un avocat pénal, attiré par l’excitation, le danger et l’argent facile du trafic de drogues à la frontière américano-mexicaine. Il découvre qu’une décision trop vite prise peut le faire plonger dans une spirale infernale, aux conséquences fatales.


Critique :

Août 2012, en plein tournage de Cartel, Tony Scott, le frangin génial du Ridley, décède brutalement d'un suicide qu'aucun n'a pu voir venir ni même prédire.
Si le septième art et les cinéphiles du monde entier sont en deuil, on n'imagine même pas l'état dans lequel devait se retrouver le cinéaste de soixante-seize ans, qui dédira d'ailleurs in fine, le dit métrage en sa mémoire.

Dès le départ donc, outre la présence du savoureusement nihiliste Cormac McCarthy au scénar, Cartel aka The Counselor, est parcouru d'un profond désespoir et d'une infini noirceur.
Sentiments qui ne quitteront d'ailleurs jamais les basques du métrage, car si il a beau contenir en lui un casting hautement prestigieux, Cartel est bien loin d'incarner le film populaire et tout public que son classement en salles et sa campagne promotionnelle pas très habile, se sont bornés à nous vendre depuis des mois.

Exit donc les fausses impressions préconçues d'un Breaking Bad du pauvre, voir même d'un Savages bourré à la drogue et salement boiteux, le nouveau Scott est une claque frontale en pleine poire, aussi nauséabonde qu'amorale.
Une réussite a mettre indiscutablement au crédit du talent incroyable de Cormac McCarthy, qui n'a pas son pareil pour dépeindre avec acidité (et le mot est faible) l'ambivalence de la nature humaine et sa troublante capacité a se dédouaner de toute empathie envers son prochain pour parvenir à ses fins.


Déconstruisant habilement le film de gangsters, en expédiant au plus vite son prétexte justement gangsteriste (on ne saura rien - ou presque - du fameux deal foireux et foiré, et encore moins les raisons qui ont poussés l'avocat - sans nom -, à vouloir s'adonner aux joies de l'illégalité), pour mieux s'intéresser à la monstruosité humaine et lui préférer une brutale et radicale réflexion sur le libre arbitre, McCarthy fait de son script une critique pessimiste et désabusée de l'être humain face à l'inéluctabilité de la vie, ou l'implacable retour de flammes de chacun de nos choix et actes hasardeux qui font de notre destin ce qu'il est.

Véritable descente aux enfers volontairement bancale ou jamais rien n'est bon et ou tout le monde est mauvais (morale plus défaitiste tu meurs), The Counselor (ou l'avocat en vf, titre bien plus juste vu le film) multiplie les pistes au point de constamment faire perdre le fil à son spectateur - histoire de rendre le malaise qu'incarne sa vision, encore plus marquant -, dans une noirceur extrême ou chaque accès de violence s'encaisse frontalement, et ou chaque scène se retrouvera magnifiée par des dialogues jouissivement métaphoriques et bien écrits.

Qu'on se le dise, Ridley Scott n'est jamais aussi bon que lorsque ses scénaristes sont inspirés, et ici, avec un co-pilote tel que le Cormac, la mise en scène du bonhomme parait plus vive et éclairée que jamais.
Judicieusement sobre, anti-spectaculaire et tape à l’œil, au rythme aussi lent que glacial puisque épuré de toute émotion, Scott découpe méthodiquement sa bande tout en la sublimant via la photographie merveilleuse de Dariusz Wolski (derrière, déjà, l'incroyable beauté plastique et visuelle de Prometheus) et l'excellent score du (trop) peu connu Daniel Pemberton.


Mais surtout, comme d'habitude chez l’aîné des frères Scott, la femme est au centre du récit, et inutile de dire que dans Cartel, le sexe opposé est loin d'être laisser pour compte.

Que ce soit via la performance tout en subtilité de la délicate Penélope Cruz (pourtant loin d'être assez mise en valeur) ou l'incarnation diablement imposante - et étonnante - de la séduisante Cameron Diaz en veuve noire salement manipulatrice, apathique et arriviste à l'extrême (indiscutablement le personnage le plus malin et important du récit), elles dominent de la tête et des épaules cette vaste entreprise de manipulation/démolition dont aucune issue salvatrice n'est possible ni même envisageable.

Derrière, si Brad Pitt éblouit comme il le peut l'écran avec ces quelques petites scènes qui se battent en duel, Michael Fassbender - plus charismatique que jamais - et Javier Bardem - toujours aussi immense en contre-emploi fabuleux -, offrent un répondant de poids à ses deux femmes d'exceptions.

Foutrement singulier, original et élégant tout en étant profondément jusqu'au-boutiste, nihiliste et extrêmement malsain (comme ne peut-il pas l'être dans le sens ou nous sommes dans l'incapacité de pouvoir s'identifier à qui que ce soit), Cartel est une sublime oeuvre déshumanisée et sombre, ou - au bas mot -, ce que Ridley Scott a fait de plus réussi et efficace depuis American Gangster.


Beaucoup tiqueront certainement sur sa longueur et voir même, sur sa potentielle légitimité dans la carrière du cinéaste (rien qu'à voir ses critiques assassines et son flop retentissant outre-Atlantique), pour ma part, j'ai rarement été autant fasciné et dérouté par une péloche du sieur Ridley sur grand écran.

Excellent film décrié et potentiellement mal aimé donc, ou la définition parfaite pour qu'il devienne l'un des grands classiques des cinéphiles de demain...



Jonathan Chevrier


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